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On ne peut pas laisser n'importe qui s'exprimer sur des sujets sensibles

«Quatre jours après le scrutin [sur les minarets], aucun acte de représailles n'a frappé les ambassades suisses dans les pays arabes. [...] Si les appels au boycott se multiplient, aucun acte violent contre les ambassades suisses ne s'est produit. [...]» Ainsi se manifestait la déception du monde médiatique le 3 décembre dernier dans la revue de presse de la Télévision suisse romande. Le quotidien La Liberté rapportait ces propos d'un haut fonctionnaire suisse: «Pour l'instant on ne note aucune menace. Il n'y a eu aucune manifestation devant nos ambassades et le drapeau suisse n'a pas été brûlé.» Et le commentateur de s'interroger: «Est-ce le calme avant la tempête?»

Au moment de rédiger ces lignes, dix jours plus tard, aucune tempête n'a encore eu lieu. Les musulmans de Suisse et d'ailleurs refusent manifestement de suivre les appels à la violence lancés par les journalistes et les diplomates helvétiques, et ces derniers réalisent ainsi avec stupéfaction que ce qu'Oskar Freysinger leur avait dit était vrai: les fidèles d'Allah ne sont pas tous des barbares violents et sanguinaires. Un peu comme lorsque Peppone découvrait que tous les fonctionnaires soviétiques n'étaient pas des tortionnaires inhumains.

On ne peut toutefois s'empêcher d'exprimer notre déception à l'idée que les forces les plus progressistes de notre société ont pu concevoir et propager une vision aussi négative de l'islam. On est en droit de se demander si les sujets particulièrement sensibles et controversés ne devraient pas être soustraits à l'appréciation des médias, dès lors que ces derniers se laissent trop facilement emporter par leurs passions et font preuve d'une maturité insuffisante pour aborder sereinement ces questions.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 18 décembre 2009)