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Big Browser veille sur nous

La société américaine Google propose non seulement de puissants outils de recherche sur internet, mais aussi des cartes de géographie du monde entier sur lesquelles on peut passer des heures passionnantes à voyager et à rêver. Mieux encore: des milliers de photos ont été prises le long des routes de plusieurs pays, de sorte que l'on peut désormais les parcourir virtuellement, visiter des endroits connus ou inconnus et regarder chaque coin de rue sous tous les angles. Tout en restant devant son écran d'ordinateur, on peut passer devant chez ses parents et ses amis, montrer où l'on habite à des connaissances à l'étranger, ou encore revoir des villes où l'on a voyagé. Et tout ça sans encombrer les routes et sans émettre de CO2.

Le fait que les vues de notre région soient disponibles sur internet grâce à Google Street View constitue donc un privilège – envié par les autres pays non encore couverts par ce service. Un privilège qui risque toutefois d'être de courte durée puisque le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (délicatement abrégé PFPDT) ne veut pas entendre parler de transparence dans ce domaine. Cet énergumène administratif, soucieux de justifier son éminente fonction, s'est en effet avisé que les images de Google Street View permettaient parfois d'identifier – avec plus ou moins de précision – un visage, une voiture, un jardin, bref: tout ce que n'importe qui peut voir en se promenant le long d'une route. Tout fiérot, le PFPDT a donc pris des airs de grand patron (au sens péjoratif du terme) pour adresser à Google force sommations et instructions.

Résultat: non seulement nous risquons d'être privés de ce merveilleux jouet que représente Google Street View – en attendant la censure totale d'internet au nom de la protection des données –, mais, en plus, les automobilistes auxquels on rappelle hiver après hiver qu'ils doivent dégivrer correctement leurs vitres vont peut-être se voir imposer par le PFPDT d'appliquer une toile noire sur leur pare-brise afin de conjurer la terrifiante éventualité qu'ils reconnaissent quelqu'un dans la rue.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 25 septembre 2009)