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La soupe à la cervelle

Français, anglais et démocratie

Un sommet de la francophonie se déroule actuellement à Moncton, au Canada. Personne n'en a entendu parler parce qu'il ne s'y passe rien, comme dans tous les sommets de la francophonie. Pourtant, comme pour prouver qu'il est possible à un sommet de descendre au-dessous du zéro absolu, les participants ont décidé de donner désormais à la francophonie une dimension politique, et que l'usage de la langue de Molière incarnerait dorénavant la démocratie et les droits de la personne, des peuples et des minorités.

En plein sommet de la francophonie, donc, le Pays de Vaud vit à l'heure des «hearings» du Conseil d'Etat et des «brain stormings» de l'Assemblée constituante.

«Brain storming» peut se traduire très sérieusement par «tempête de cerveaux», ou alors, de manière moins rigoureuse mais plus imagée, par «soupe à la cervelle», ce qui illustre parfaitement la consistance – mais pas la substance – des délibérations de l'Assemblée constituante. Les artisans de la constitution contre laquelle nous voterons dans un nombre d'années incertain, élus pour dire n'importe quoi en s'invectivant et en s'adressant moult noms d'oiseaux, sont invités par un consultant français à dire n'importe quoi dans le respect et la tolérance de l'autre, sans censure ni critique. Ce qui prouve à quel point l'anglais aussi incarne la démocratie et les droits humains.

L'opération s'étant déroulée à huis clos, on ne saura pas si quelque facétieux reconstituant a profité de ce «brain storming» pour proposer, en français, l'abolition constitutionnelle du régime démocratique. Voilà qui provoquerait assurément une tempête dans les cerveaux réunis à Moncton.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 10 septembre 1999)