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Pot pourri d'un été qui ne l'est pas

Mais peut-on en dire autant de la presse?

La chaleur est une fois de plus la principale calamité de l'été. Non parce qu'elle nous plonge dans une douce torpeur alors que, allongé au soleil sur un balcon enfin nettoyé, on cherche quelque idée d'article pour La Nation, mais bien parce qu'elle constitue une fois de plus le sujet unique et omniprésent, l'horizon intellectuel indépassable et odieusement prévisible de toutes les conversations, même et surtout chez ceux qui font profession de trouver des thèmes variés de délibérations. Presse, radios et télévisions gardent les yeux rivés sur le mercure et guettent les moindres records locaux (du style: la troisième plus haute température relevée à midi moins dix à l'aide d'un thermomètre orange à Plantignouf-les-Bains). Et les «Philipulus» de l'écologie répètent, ravis, qu'ils nous l'avaient bien dit, que tout ça est la faute de la voiture et que le châtiment est proche...

Alors, de dépit, on relit un article de L'Hebdo où Mme Chantal Tauxe déclame sa phobie du fédéralisme, «inventé au XIXe siècle pour tenir compte des réalités du terrain» mais devenu aujourd'hui «une entrave à la vision» (entendez par là les visions de Mme Tauxe), et son amour de la centralisation destinée à «mieux répondre aux besoins». Y a-t-il seulement une moquerie distrayante à en tirer? En changeant de journal, on découvre que les journalistes qui se plaignent que tout va trop lentement en Suisse savent aussi s'acharner lorsqu'un policier va trop vite sur la route. Pourtant Le Temps est sans doute le quotidien qui a eu la meilleure idée de l'été en publiant en feuilleton une bande dessinée de Blake et Mortimer: enfin une raison d'aller - directement, il est vrai - jusqu'à la dernière page de ce journal! A L'Express, une courageuse pigiste fête le héros du jour: l'altermondialiste Tomaso qui, lors des manifestations anti-G8, avait clamé sa non-violence dans tous les médias, mais qui admet maintenant - «coincé» par les photos de la police genevoise - avoir incidemment ramassé - sans doute par souci de ne rien laisser sur le trottoir - une toute petite grenade qui traînait par terre. Du côté du Matin enfin, on enquête ferme... dans les WC publics de Suisse romande. Chaque chose à sa place.

C'est sans doute cela qu'on appelle un été pourri: pas sur le plan de la météo, qui reste décidément la rubrique la plus originale, mais parce qu'on n'a même plus envie de descendre en flammes tel ou tel article de presse.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 15 août 2003)