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La crème de la société

Où le rouge a plus de succès que le blanc

Nos hommes politiques sont décidément aimés de la population, surtout au moment où ils quittent le pouvoir. Tandis que le conseiller fédéral Jean-Pascal D. s’en va couvert de cadeaux et d’éloges, le conseiller d’Etat Joseph Z. baigne dans la crème de la société: au moment d’apprendre qu’il a été trahi par les électeurs auxquels il a été fidèle, le voilà qui se fait offrir une délicieuse pâtisserie sortie tout droit des fourneaux d’un traiteur renommé de la capitale.

Est-ce la mauvaise habitude de nouer sa serviette autour du cou, ce qui laisse croire qu’on vient pour se faire raser? Ou est-ce parce que du savon à barbe (ou à moustaches) avait été mélangé à la crème? Toujours est-il que la tarte lui a été servie sur le visage, blanchissant du même coup le personnage de (presque) tous les reproches qu’on avait pu lui faire. Furieux qu’on ait ainsi pu le confondre avec Bernard-Henri L. – victime lui aussi de balistique pâtissière, à un rythme tel qu’il n’a bientôt plus le temps de s’essuyer le visage entre deux tartes –, le conseiller a d’abord porté plainte contre l’apprenti Gloupier. Sans doute parce que la crème ne venait pas de chez Girardet…

Quelques jours plus tard, au Centre Blécherette de la police cantonale, Monsieur Z. recevait une délégation de policiers palestiniens en stage chez nous, lesquels lui ont offert une crèche de Bethléem dans un écrin de velours rouge. Le rouge a eu plus de succès que le blanc: il n’y a pas eu de plainte.

(Le Coin du Ronchon, La Nation, 9 avril 1998)