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Le retour des notes

Dans le registre «c'est bientôt les élections, je dois faire parler de moi», quelques parlementaires fédéraux ont réussi à convaincre quelques mélomanes non avertis de lancer une initiative populaire demandant à la Confédération d'encourager la formation musicale.

Toutes les initiatives qui visent à donner de nouvelles compétences à la Confédération utilisent le verbe «encourager», le complément d'objet direct étant laissé aux choix des initiants. Il reste d'ailleurs encore de nombreux domaines non exploités dont on nous dira un jour que «personne n'en conteste l'importance»: il faudrait encourager les dimanches ensoleillés, les pains au chocolats, les stylos à quatre couleurs, les chaussettes noires inusables, l'artisanat ukrainien, la détection précoce des tsunamis sur le lac de Joux, la lecture de La Nation… Cette fois-ci, c'est tombé sur la formation musicale.

Le texte de l'initiative en question utilise toutes les ficelles habituelles du marketing politique fédéral: La Confédération et les cantons (on fait croire qu'on reste fédéraliste) encouragent (euphémisme habituel pour dire: régentent, contrôlent et subventionnent) la formation musicale («formation» est un mot sacré qui paralyse et aveugle vos adversaires, et l'adjectif «musical» évoque encore, parfois, un sentiment de douceur mélodieuse), en particulier des enfants et des jeunes (très bon ça, coco: tout le monde aime les enfants et les jeunes, c'est le monde de demain, hein!). La Confédération fixe les principes de l'enseignement de la musique à l'école (nécessaire pour que la nuée des fonctionnaires puisse se mettre au travail et légiférer enfin; on frémit à l'idée que la musique n'est actuellement pas enseignée partout de la même manière!), de l'accès de la jeunesse aux activités musicales (des concerts de rap financés par nos impôts) et de la promotion des musiciens doués (un petit appel du pied aux électeurs élitistes; les gens normaux n'ont généralement pas l'idée de promouvoir des musiciens peu doués; gageons pourtant que c'est ce qui va se passer…).

Le paradoxe de toute cette affaire est qu'on va voir de nombreux politiciens de gauche ou apparentés soutenir avec ferveur une initiative qui ne demande au fond rien d'autre que le retour des notes à l'école.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 6 juillet 2007)