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Dessine-moi un mouton qui mange des salades avant d'être dévoré par un ours

«La gauche vend des salades à Chauderon», titrait 24 heures le 23 août dernier, montrant l'incontournable Monsieur Z. étalant toute sa culture maraîchère devant la «Maison du peuple». Gageons que les quelques jeux de mots faciles qui nous viennent immédiatement à l'esprit auront aussi traversé celui du journaliste dépêché sur place par le quotidien rouge. Mais chut!, dans la profession, on ne plaisante pas avec les politiciens de gauche! La grande presse se veut d'ailleurs apolitique; elle ne se permettrait jamais, ô grand jamais, d'attaquer systématiquement un même parti, chaque jour, chaque heure, sur chaque page de journal et sous n'importe quel prétexte, en caricaturant inlassablement son représentant le plus connu sous les traits d'un personnage dangereux, malfaisant et abominable.

Donc, pour ceux qui ne l'auraient pas encore remarqué, nous sommes à moins de deux mois des prochaines élections fédérales.

La gauche n'est évidemment pas seule à nous servir ses salades habituelles. Mais plus que les fruits et légumes, ce sont surtout les animaux qui tiennent les premiers rôles dans la campagne des partis. Il est surtout question de moutons, que l'on nous dessine à profusion. Les partisans de l'«exclusion» proposent que les moutons blancs éjectent les moutons noirs qui ne respectent pas l'ordre de leur prairie. Quant aux partisans de l'«ouverture», ils proposent que les moutons noirs, une fois devenus majoritaires dans la prairie, éjectent les moutons blancs.

On ne s'appesantira pas ici sur ces allégories ovines dont la presse fait quotidiennement ses choux gras – encore plus indigestes que les «salades équitables» des popistes. De fait, on ne sait pas comment les urnes départageront les moutons blancs et les moutons noirs. On ne sait même pas s'il restera des moutons. Au rythme où ces derniers se font désormais boulotter par des prédateurs ne comprenant rien aux concepts végétariens de la gauche, il est en effet à craindre que la prairie à croix blanche ne soit bientôt plus peuplée que par des ours bruns – lesquels seront alors sommés, n'en doutons pas, d'accueillir à pattes ouvertes une immigration d'ours blancs chassés de la banquise par le réchauffement climatique.

Et c'est ainsi que le dioxyde de carbone pèse déjà sur la prochaine campagne électorale.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 31 août 2007)