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Petits hommes verts, femmes rouges, lumières noires

Les feux destinés à régler la circulation des piétons constituent une inépuisable source d'inspiration pour l'âme humaine. Les gens éternellement pressés y découvrent une occasion de s'arrêter, de contempler et de méditer. Ceux qui chantent l'amour des lois y voient un motif de les transgresser («Mais y a personne…»). Les passionnés d'informatique notent ce qu'il conviendrait d'améliorer dans la programmation de ces installations. Quant aux féministes, il paraît qu'elles y ont récemment trouvé un thème de revendication: pourquoi les silhouettes qui y sont représentées sont-elles exclusivement masculines?

On pourrait arguer que le personnage standard ressemble à une femme moderne, avec pantalons et cheveux courts. Mais ces dames – qui hurleraient si on les obligeait à porter des robes – préféreront sans doute renier toutes les conquêtes du progressisme et réclamer une représentation traditionnelle de la femme qui attend avant de traverser la route.

Le bonhomme rouge bien connu sera donc remplacé par une dame. Les mauvaises langues seront tentées d'ajouter: «…contrairement à ce qui passe au parti communiste vaudois.» Mais faut-il vraiment parler de cela? Pensons plutôt à l'avenir: une fois que l'on aura rétabli l'égalité entre les sexes dans les feux pour les piéton-ne-s, il faudra ensuite songer à lutter contre les discriminations de couleur! N'est-il pas choquant que l'on accorde le droit de passer aux individus verts et pas aux rouges? Réaffirmons que nous sommes tous égaux! Donnons les mêmes droits et les mêmes significations aux trois petites silhouettes rouge, jaune et verte. Ou alors exigeons qu'elles soient de la même couleur! Si possible noire.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 9 novembre 2007)