Client, passe bien ton chemin! - Un exemple pratique de commerce équitable
Désireuse de toujours satisfaire ses clients, une grande chaîne de distribution helvétique a introduit il y a quelques temps un nouveau système d'enregistrement des achats, sous la forme d'un petit appareil vert – baptisé Passamachin – que le client emporte avec lui dans le magasin afin de «tiper» au fur et à mesure ce qu'il veut acheter. En arrivant à la caisse, il ne reste plus qu'à payer le montant total indiqué.
Distinguons trois cas possibles.
Petit a. Vous avez adopté le Passamachin. Vous réalisez que vous devez porter l'appareil en plus de toutes vos autres commissions. Que vous devez penser à «scanner» chaque pot, tube, bouteille ou sachet que vous aviez autrefois l'habitude de poser négligemment dans votre panier. Que vous risquez d'être accusé de vol si vous oubliez cela. Que vous devrez faire des manipulations compliquées si vous renoncez finalement à votre cinquième tube de mayonnaise au curry. Vous réalisez aussi que vous faites le travail de la caissière à sa place, sans en retirer un avantage substantiel.
Petit b. Vous avez imaginé avec amusement toutes les péripéties du point a. D'un naturel conservateur, vous regardez donc pendant plusieurs mois avec méfiance ce drôle de petit appareil… puis vous vous décidez malgré tout – un peu stupidement – à sauter dans le train de la modernité et du progrès. Vous demandez un Passamachin. La préposée vous réclame la carte-client Super-Machin. Que vous n'avez pas. Vous renoncez immédiatement.
Petit c. Vous êtes de ceux qui jurent qu'ils ne veulent pas utiliser le Passamachin, qu'ils n'ont jamais voulu l'utiliser et qu'ils ne le voudront jamais. (Vous venez en réalité de passer par le point b, mais vous n'en êtes pas très fier.) Vous vous réjouissez d'avoir raison lorsque vous regardez des grands-mamans s'énerver avec l'infernale machine. Quand vous arrivez aux caisses, vous avisez celle qui est vide et occupée par la caissière la plus sympathique. Qui cesse immédiatement de l'être: «Cette caisse est réservée pour les utilisateurs du Passamachin!» Trois ou quatre caisses désespérément vides attendent ainsi les cobayes électroniques, tandis que les clients s'agglutinent et s'impatientent aux autres passages.
Morale de l'histoire: le commerce en question peut se féliciter de respecter une parfaite égalité de traitement entre tous ses clients puisque l'on constate chez ces derniers un égal mécontentement, quel que soit leur choix par rapport à l'électronique moderne. Encore une belle victoire de l'éthique!
(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 1842, 1er août 2008)
Distinguons trois cas possibles.
Petit a. Vous avez adopté le Passamachin. Vous réalisez que vous devez porter l'appareil en plus de toutes vos autres commissions. Que vous devez penser à «scanner» chaque pot, tube, bouteille ou sachet que vous aviez autrefois l'habitude de poser négligemment dans votre panier. Que vous risquez d'être accusé de vol si vous oubliez cela. Que vous devrez faire des manipulations compliquées si vous renoncez finalement à votre cinquième tube de mayonnaise au curry. Vous réalisez aussi que vous faites le travail de la caissière à sa place, sans en retirer un avantage substantiel.
Petit b. Vous avez imaginé avec amusement toutes les péripéties du point a. D'un naturel conservateur, vous regardez donc pendant plusieurs mois avec méfiance ce drôle de petit appareil… puis vous vous décidez malgré tout – un peu stupidement – à sauter dans le train de la modernité et du progrès. Vous demandez un Passamachin. La préposée vous réclame la carte-client Super-Machin. Que vous n'avez pas. Vous renoncez immédiatement.
Petit c. Vous êtes de ceux qui jurent qu'ils ne veulent pas utiliser le Passamachin, qu'ils n'ont jamais voulu l'utiliser et qu'ils ne le voudront jamais. (Vous venez en réalité de passer par le point b, mais vous n'en êtes pas très fier.) Vous vous réjouissez d'avoir raison lorsque vous regardez des grands-mamans s'énerver avec l'infernale machine. Quand vous arrivez aux caisses, vous avisez celle qui est vide et occupée par la caissière la plus sympathique. Qui cesse immédiatement de l'être: «Cette caisse est réservée pour les utilisateurs du Passamachin!» Trois ou quatre caisses désespérément vides attendent ainsi les cobayes électroniques, tandis que les clients s'agglutinent et s'impatientent aux autres passages.
Morale de l'histoire: le commerce en question peut se féliciter de respecter une parfaite égalité de traitement entre tous ses clients puisque l'on constate chez ces derniers un égal mécontentement, quel que soit leur choix par rapport à l'électronique moderne. Encore une belle victoire de l'éthique!
(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 1842, 1er août 2008)