Contient du laid

Quand on garde en réserve, avec délectation, un sujet en or pour la présente rubrique, on peut légitimement se sentir ulcéré de se voir brûler la politesse dans un autre journal. C'est particulièrement vrai si cet autre journal porte le titre de Bon à savoir et se présente fallacieusement comme un magazine de défense des consommateurs, alors qu'il s'agit en réalité d'un bulletin de propagande socialiste. Le numéro «offert» récemment dans de nombreuses boîtes aux lettres ne prend aucune précaution pour dissimuler cela: outre les habituelles accusations contre les entreprises – sur un ton qui rappelle les plus belles heures de la propagande soviétique – et l'encouragement des clients à escroquer ces dernières en profitant des moindres failles de la loi, le journal contient aussi plusieurs articles appelant à soutenir les combats politiques actuels de la gauche. Ainsi Bon à savoir appelle «vivement» ses lecteurs à signer le référendum de l'ASLOCA visant à maintenir la gratuité (aux frais du contribuable) du Tribunal des Baux dans le Canton de Vaud. Il contient aussi un «dossier spécial» destiné à «prouver» (sic!) «honnêtement» (re-sic!) que les citoyens doivent voter non, le 7 mars prochain, à l'adaptation du taux de conversion de la prévoyance professionnelle. Pour faire bonne mesure, un «service juridique» anonyme encourage les employés à pratiquer tous les sports et loisirs possibles pendant leurs périodes d'arrêt-maladie, en leur expliquant qu'il suffit de se faire passer pour dépressif pour qu'il n'y ait pas incompatibilité.

Bref, un journal aussi neutre et impartial que le reste du marigot médiatique de Suisse romande! Car c'est bien connu, les patrons ne sont pas des consommateurs. Les propriétaires non plus. Ni les citoyens qui ont l'outrecuidance de ne pas voter à gauche. Tous ces gens ne consomment pas: ce sont des exploiteurs, pas des consommateurs.

Il est donc bon à savoir que ce journal est une feuille de chou de bas étage, et il est encore plus humiliant que ce soit la dite feuille de chou qui ait ébruité ce merveilleux thème de moquerie que le soussigné aurait tellement voulu révéler avec davantage de talent… à savoir que les briques de lait vendues dans une grande chaîne de distribution helvétique comportent l'avertissement suivant: «Contient du lait.» C'est très utile pour les personnes qui ont des allergies, paraît-il. Mais est-on bien sûr que des consommateurs vétilleux et soucieux de leurs droits, après avoir bu le précieux breuvage, n'iront pas se plaindre de ce que l'emballage omette de les prévenir: «Ne contient plus de lait»?

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 29 janvier 2010)