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L'anglais fait-il vendre?

L'anglais fait-il vendre? Tel était le thème alléchant du «café francophone» qui s'est tenu le 3 mars dernier à Vevey sous les auspices de l'association Défense du français. Un publicitaire linguiste, un responsable du service de traduction de la Poste et un ancien parlementaire fédéral avaient été invités à exposer quelques thèses, en principe en rapport avec le sujet, face à un public d'une bonne trentaine de personnes.

De cette soirée, on retiendra particulièrement le plaisir d'avoir vu à l'oeuvre M. Philippe Becquelin, alias Mix & Remix, illustrant les propos des orateurs en live sur un simple flip chart. Mais trêve de provocations…

Pour le reste, les interventions des trois orateurs furent relativement brèves, laissant largement la parole à un public visiblement désireux d'exprimer son indignation – parfois entièrement justifiée sur le fond – face à certaines dérives commerciales et publicitaires, au point de mettre par moments en accusation le commerce et la publicité eux-mêmes.

Si l'amalgame est excessif, l'économie privée n'en apparaît pas moins souvent comme une cible de choix aux yeux des défenseurs d'un langage correct. A ce sujet, un des orateurs invités fit remarquer que, lorsque le style de communication d'une entreprise ne plaît pas au public, ce dernier a tôt fait de sanctionner les produits en question; ce sont donc les consommateurs et non les entreprises qu'il faudrait incriminer. Vrai? Faux? On en revient à la question posée dans le titre de la soirée, et qui aurait mérité d'être abordée plus franchement, voire abordée tout court.

Des études comparatives entre les publicités francophones et anglophones ont-elles été menées? Des clients – autres que les membres de l'association Défense du français – protestent-ils en masse contre l'usage abusif de l'anglais? Pas de réponses claires à ces questions. Mais le sentiment que l'on peut avoir – le représentant de la Poste l'a indirectement confirmé – est que la population reste incroyablement passive et indifférente à la qualité de la langue. La publicité s'adapte-t-elle réellement au public? Ou n'est-ce pas plutôt le public qui s'adapte petit à petit à chaque mode publicitaire? C'est là le centre du débat.

Car si le public fait preuve de docilité, il faut alors en conclure que l'usage frénétique de l'anglais dans la publicité – sous une forme par ailleurs médiocre – n'a rien d'obligatoire. Et que les entreprises, par conséquent, pourraient avantageusement prendre la responsabilité de mieux soigner la langue qu'elles emploient: quels que soient les clients auxquels on s'adresse, ceux-ci s'y habitueront rapidement!

Aujourd'hui, les entreprises – même celles dont le but est de vendre un maximum de poudre de perlimpinpin – se soucient volontiers de leurs règles d'éthique, de leur bilan écologique, voire de la bonne santé de leurs collaborateurs. De nombreux patrons apprécient en outre la communauté au sein de laquelle ils vivent, et certains se targuent même d'y jouer un rôle social. Puissent-ils se sentir également responsables – toujours de manière libre et volontaire – d'habituer leurs clients à bien parler! Ce serait cool

(P.-G. Bieri, La Nation n° 1832, 14 mars 2008)

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