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ONU, an I

Les vainqueurs du 3 mars découvrent le Machin tel que nous le leur avions dépeint

Le bonheur était dans le pré des Nations Unies, nous y avons couru. Dès que nous y fûmes, ceux qui avaient proclamé que l'herbe y était plus verte rouvrirent les yeux et leurs mines déconfites nous offrirent, ma foi, quelques occasions de rire.

Il y eut d'abord Economiesuisse, dont les millions avaient contribué à persuader le bon peuple de voter oui le 3 mars. Dix jours plus tard exactement, l'organisation faîtière s'inquiétait déjà de la position que la Suisse adopterait à l'ONU en matière d'aide au développement. Selon les milieux économiques, l'objectif d'y consacrer 0,4% du produit national brut devait rester une simple déclaration d'intention et en aucun cas constituer une règle impérative. La communauté des nations pouvait aller se faire voir et Economiesuisse exhortait le Conseil fédéral à ne pas "signer des déclarations ou des prises de position incompatibles avec nos perspectives budgétaires".

Ensuite, toujours à propos de l'aide au développement mais dans le "camp d'en face", les organisations non gouvernementales d'entraide firent connaître leur indignation quant au déroulement de la conférence des Nations Unies à Monterrey: les Américains avaient fait pression pour que rien n'y soit négocié et la réunion menaçait de s'achever par "une collection de vœux aussi vagues que non contraignants". Même les représentants de la Confédération évoquèrent la "confiscation des débats" par les Etats-Unis.

Enfin, on apprit que le Conseil fédéral voulait organiser une grande fête pour célébrer sa victoire à la Pyrrhus, mais qu'il ne savait pas comment la financer, qu'il craignait de demander un crédit spécial au Parlement et qu'Economiesuisse ne voulait plus délier les cordons de sa bourse. Des chroniqueurs de presse relevèrent sur un ton un peu grinçant que les parlementaires envisageaient d'aller festoyer à New York aux frais des contribuables.

Perdre une votation n'est jamais plaisant. Mais voir nos adversaires d'hier découvrir l'ONU telle que nous la leur avions dépeinte est tout de même une petite consolation.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 5 avril 2002)