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Redevance radio-TV: un compromis plutôt léger

L’initiative populaire fédérale «200 francs, ça suffit!» a été déposée cet été. Elle demande que la redevance des ménages soit réduite de 335 à 200 francs (soit une diminution de 40%) et que la redevance des entreprises soit supprimée. Le produit total de la redevance serait ainsi quasiment divisé par deux. Le montant accordé à la SSR serait également divisé par deux (de 1250 à environ 650 millions), tandis que les 85 millions accordés à des diffuseurs privés (21 radios et 13 télévisions régionales) seraient maintenus. En admettant que la SSR conserve ses autres recettes, notamment publicitaires (320 millions), elle devrait tout de même compter avec une diminution de 40% de ses moyens financiers. Le remède est sévère – mais peut-être à la hauteur des critiques que la SSR a refusé d’entendre jusqu’ici.

Le 8 novembre dernier, le Conseil fédéral s’est exprimé en défaveur de l’initiative, estimant qu’elle «aurait de vastes conséquences sur l'offre journalistique et l’ancrage régional de la SSR». Il a aussi annoncé sa volonté de proposer une forme de contre-projet au niveau de l’ordonnance sur la radio-télévision – car c’est dans cette ordonnance qu’est fixé le montant de la redevance et le Conseil fédéral tient à en garder le contrôle.

Concrètement, il est proposé d’abaisser le montant de la redevance des ménages en deux étapes, de 335 à 312 francs dès 2027 (pour autant que l’initiative soit refusée) et de 312 à 300 francs dès 2029. Pour les entreprises, le seuil de chiffre d’affaires pour le prélèvement de la redevance sera relevé de 500'000 à 1,2 million, dès 2027. Le Conseil fédéral n’expose pas les conséquences financières de ces adaptations mais, sur la base des chiffres connus, on peut estimer la diminution des recettes de la redevance à 132 millions (120 sur la redevance des ménages et 12 sur la redevance des entreprises), soit environ 10% du produit actuel.

Le projet est habilement ficelé. En exonérant désormais près de 80% des entreprises, le Conseil fédéral s’assure que celles qui restent soumises à la redevance, pour des montants parfois considérables, sont désormais trop peu nombreuses pour remettre en question le système lui-même, qui restera durablement verrouillé. Pour les ménages, la diminution de 10% constituera un petit geste qui désamorcera peut-être une partie du soutien à l’initiative.

Du côté de la SSR, on s’entraîne déjà à pleurer misère, mais l’effort de redimensionnement serait modeste. On ignore en revanche – car le Conseil fédéral n’en dit rien – ce qu’il adviendrait de la quote-part attribuée aux diffuseurs privés régionaux. La loi (et non l’ordonnance) leur octroie aujourd’hui 4 à 6% du produit de la redevance; une initiative parlementaire, encore pendante devant les Chambres, demande que cette quote-part soit portée à 6-8%. Il faudra bien ça pour que la future diminution du produit de la redevance ne porte pas préjudice à ces programmes régionaux qui bénéficient d’un solide capital de sympathie et qui exercent aussi une mission de service public, avec des moyens infiniment moindres que ceux de la SSR.

(L'Agefi, 24 novembre 2023)

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