Tous mes articles

Le bonheur est dans la TAP

Un point de vue ludique sur notre prochaine déclaration fiscale

L'Etat de Vaud se soucie du bonheur de ses citoyens, et plus particulièrement du bonheur qu'ils éprouvent à payer des impôts. C'est une mission importante de l'Etat. Peut-être eût-il fallu le préciser dans la nouvelle Constitution: «L'Etat veille à ce que tout citoyen soit heureux de payer des impôts». Ainsi, vous chanterez désormais en remplissant vos multiples déclarations fiscales, et les petits cochons roses garderont le sourire en regardant s'échapper toutes les piécettes qui leur alourdissaient le ventre. Les citoyens seront plus heureux, et comme le bonheur est une richesse, l'Etat pourra prélever de nouveaux impôts sur cette richesse supplémentaire.

Après la Municipalité lausannoise, c'est donc au tour du Conseil d'Etat de lancer une campagne d'information et de communication pour expliquer le fonctionnement du nouveau système, mais aussi pour «interpeller le contribuable sur les avantages» de la taxation postnumerando. Cette dernière étant aussitôt rebaptisée «TAP». Pour «simplifier», nous disent les communicateurs. Pour «décrisper» le contribuable, pour le «rassurer». Pour «faciliter l'appropriation (même critique) par le public». Et aussi parce que cette abréviation est jugée «(potentiellement) ludique»! C'est peut-être aussi (même si personne ne le dit) parce que plus personne n'apprend le latin. On ne sait plus ce que signifie «postnumerando», et il n'est pas sûr qu'on sache encore ce que signifie «ludique».

Ces messages de bien-être et de relaxation coûteront 200'000 francs aux contribuables. Un prix que nos édiles jugent «finalement modeste» (la modestie se porte plus ou moins ample). Cela fait 52 centimes par tête de pipe. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut acheter le bonheur pour 52 centimes. Ce n'est pas tous les jours non plus que l'expression «se payer notre tête» prend un sens aussi précis.

Toute campagne de communication qui se respecte doit s'appuyer sur un ou plusieurs slogans pas trop intelligents. Pour 200'000 francs, nous en avons plusieurs, vraiment édifiants: «La TAP? Tope-là!», «La TAP: c'est TOP!», ou encore «La TAP: une grande claque à la complexité!» Il vaudrait peut-être mieux ne pas parler de «grandes claques» à des contribuables fâchés, cela pourrait leur donner de vilaines idées. Ils nous TAUPENT! On les TAPE?

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 24 janvier 2003)