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Pour un droit à la pantoufle

L'administration veut que nous fassions plus d'efforts. Nous voulons qu'elle en fasse moins.

La Confédération, qui n'a plus d'argent mais encore beaucoup d'idées pour en dépenser, veut s'attaquer aux «pantouflards irréductibles». Cette expression ne désigne hélas pas les fonctionnaires fédéraux, mais les honnêtes citoyens qui, pour des raisons qui les regardent, ne font pas de sport.

L'Office fédéral du sport, pour prouver son utilité, a ainsi décrété que 70% des Suisses ne bougent pas assez pour «préserver leur capital-santé». Pour y remédier, il a obtenu un budget de près de 16 millions qu'il s'agit maintenant de dépenser. Dépenser l'argent du contribuable est un excellent moyen pour l'inciter à manger moins et à se déplacer à pied.

Lorsqu'on dispose d'autant d'argent, la première chose à faire est d'organiser une grande conférence pleine de «workshops» et de divertissements et «reconnue en tant que formation continue» (sinon personne ne viendrait). On y prépare le lancement d'une «campagne nationale de sensibilisation contre la sédentarité» (sic!). Des spécialistes y comparent les mérites respectifs des slogans «3x10 minutes de mouvement tous les jours» et «30 minutes de mouvement tous les jours» (pour conclure que l'effet sur le public est quasi nul dans les deux cas!). Pour rendre le concept plus attrayant, le mot «sport» est remplacé par «human powered mobility» (la traduction ne fait pas partie des efforts recommandés par l'Office fédéral du sport) ou par «trafic lent» (pour décourager ceux qui seraient tentés de bouger trop vite).

Considérant l'amplitude de ces sottises, le Parti radical suisse a voulu être de la partie. Il a fait savoir que lui aussi recommandait que les Suisses fassent plus de sport, que lui aussi voulait qu'on lance une grande campagne de sensibilisation. En attendant sans doute qu'on envoie la police vérifier les heures de gym de chaque citoyen.

Pour quelqu'un qui adore marcher mais qui déteste ce moralisme administratif et cette pression «bienveillante» de l'Etat sur la vie privée des individus, une telle campagne de sensibilisation donne envie de ne plus faire un pas. Quant à ceux qui voudraient quand même garder la forme, ils pourront utilement courir, armés de piques et de fourches, derrières ces importuns «pantouflards» qui veulent obliger les autres à faire du sport.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 7 février 2003)