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G8, remue-ménage et bonnes affaires

En mai, les grèves qui paralysent la France entre les périodes de congés et de fêtes affectent le trafic ferroviaire et aérien jusque chez nous. Mais les désagréments occasionnés par nos voisins quand ils ne font rien sont minimes comparés aux ennuis qu'ils nous causent lorsqu'ils font quelque chose. Durant les trois premiers jours de juin, les Français ont décidé de faire un sommet sur la rive sud du lac et beaucoup de remue-ménage sur la rive nord. Chez eux, les huit chefs d'Etat les plus puissants du monde. Chez nous, une nuée d'émirs, de nababs, de chefs tribaux, de policiers et de manifestants furieux.

Les personnes qui habitent ou travaillent à Lausanne sont inquiètes. Elles ne savent pas ce qui va leur arriver. Les autorités ne le savent pas non plus. Elles conseillent aux commerçants de se barricader. Elles leur interdisent sévèrement de se défendre. Et voilà qu'un petit malin leur fait savoir par courrier électronique qu'il possède «un moyen simple et pas cher» - 35 francs la pièce - de se protéger contre les «ardeurs dévastatrices des altermondialistes déchaînés»: «Nous avons créé une nouvelle ligne de t-shirts pouvant être soit vendus dans vos établissements soit simplement mis en vitrine afin d'identifier le commerce anti-G8 et, de ce fait, d'éviter la casse.» Télémarketing désespéré d'un boutiquier qui n'a pas réussi à écouler tout son stock auprès des manifestants? Ou astucieuse tentative de racket des commerçants de la part d'un antimondialiste assez capitaliste?

En attendant les vitrines, c'est la gauche qui vole en éclat. M. Pierre-Yves Maillard, intervenu en tant que syndicaliste pour défendre les travailleurs d'une usine Coca-Cola, voit d'un mauvais œil la volonté des mouvements alternatifs de boycotter les produits américains. Quant à M. Josef Zisyadis, qui aime dîner aux meilleures tables et rêve de devenir propriétaire, il n'a pas goûté que des casseurs s'en prennent à un palace lausannois. Celui que la police appelait «Monsieur Z» lorsqu'il était à la fois au gouvernement et dans la rue, s'investit désormais dans le pacifisme non violent. Mais pas gratuit non plus puisque le dernier communiqué du POP annonce que «Les drapeaux "PACE" sont d'ores et déjà disponibles aux Magasins du monde pour la somme de 10 Frs».

A malin, malin et demi: ce prix d'ami devrait permettre aux commerçants lausannois de vendre aux manifestants, pour 25 francs supplémentaires, des t-shirts aux couleurs de leur association ou autres babioles publicitaires. Pour calmer les «obsessions sécuritaires» des autochtones et éviter ainsi la casse!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 16 mai 2003)