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Bouchon à Glion: le tube de l'été

Plus personne n'ignore que les tunnels autoroutiers de Glion sont en réfection. Depuis des mois, on nous a rebattu les oreilles avec ce sujet. C'était l'événement de l'année. Après la Fête des Vignerons, Expo.02 et le sommet du G8, on allait avoir le bouchon de Glion! Journalistes, ingénieurs, fonctionnaires, politiciens, camionneurs, ménagères, retraités, tous ont pu nous donner leur avis et leurs pronostics. Les bouchons devaient s'allonger à l'Ouest au-delà de Vevey et à l'Est jusqu'en Valais. Les écologistes ont répété leur crédo sur les transports publics, le covoiturage et la mobilité alternative. Les enfants des classes de la région ont été invités à participer à un concours de dessins. Les passionnés de technique ont inventé mille moyens sophistiqués de se renseigner sur les temps d'attente. L'autoroute s'est ornée de portiques et de panneaux électroniques tandis que des peintures de guerre rouges étaient appliquées sur la chaussée. Le principe de la fermeture-éclair est devenu le onzième des Dix commandements (un peu comme Dartagnan était le quatrième des Trois mousquetaires, mais ça n'a rien à voir).

Enfin, le jour tant attendu arriva. Le premier tube à rénover fut fermé selon un rituel soigneusement élaboré et attentivement filmé. Les reporters étaient présents comme s'il se fut agi du déclenchement de la guerre en Irak. Mais comme pour la guerre en Irak, les premières images furent décevantes pour tous ceux qui se réjouissaient d'observer le chaos sur leur écran, confortablement installés à la maison. Le premier bouchon - dans le sens inverse de ce qu'on attendait - fut jugé insignifiant, du moins par les observateurs qui n'étaient pas pris dedans. Et au cours de jours suivants, le plan de l'autoroute représenté sur le site internet www.glion-fute.ch est resté la plupart du temps désespérément vert: circulation fluide.

Quoique... Les journalistes, soucieux d'informer correctement leur public et guettant surtout quelque retournement catastrophique de la situation, continuent d'aller tester chaque parcours, tant sur l'autoroute que sur la route du lac. Pour voir si tout roule normalement. Pour comparer la durée des trajets. Quoi de plus normal, lorsqu'on redoute des embouteillages, que d'aller y voir chaque jour, en voiture, pour vérifier! A force, on finira bien par avoir quelques kilomètres d'embouteillages... de voitures de la presse, de la radio et de la télévision.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 30 avril 2004)