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La vision contre le pognon

Les dernières votations, hélas, ont marqué une victoire de la gauche et du collectivisme sur deux des principales questions: refus de baisser les impôts et refus de rééquilibrer les comptes de l'AVS. Nous avons eu droit aux cris de joie de toute la clique des journalistes officiels qui avaient abondamment milité contre ces deux objets.

Petite consolation, ces mêmes journalistes ont aussi subi une cuisante déception. Eux qui, ces derniers mois, ricanaient de bonheur et se pourléchaient les babines à l'idée que la Suisse n'arriverait pas à conclure de nouveaux accords bilatéraux et serait finalement «mise au pas» par la grande et belle Union sov... pardon: européenne, venaient d'apprendre, furibards, que ces accords avaient été signés, que les intérêts de la Confédération avaient été pris en compte, et, contrariété suprême, que l'essentiel du secret bancaire était préservé. Même l'ATS a relevé la mauvaise humeur des éditorialistes face au succès helvétique: «Victoire "provisoire" ou de la "lassitude", la presse romande n'affiche aucun triomphalisme au vu de la conclusion des bilatérales bis. Plusieurs commentateurs doutent d'un troisième round de négociations, d'autres reposent la question de l'adhésion.» Ce sont toujours les mêmes qui battent des records de petitesse et de médiocrité: «Le journal "24 heures" se montre le plus sévère en rappelant "les clichés qui vont continuer de coller aux basques de la Suisse: égoïste, solitaire et avide de ses privilèges". (...) "En termes d'images, la fin de ce long serpent de mer n'est pas glorieuse. L'argent, une fois de plus, aura été le nerf de la guerre", écrit le quotidien vaudois. Et de fustiger une "collaboration plus financière que visionnaire". La lassitude prévaut sur l'enthousiasme, continue "24 heures". Ce dernier doute dès lors que la négociation d'un 3e round avec "un nain politique" fasse partie des priorités de Bruxelles.»

Après tout, il est dans l'ordre naturel des choses qu'un gros journal qui bouffe les petits affiche une attitude méprisante vis-à-vis d'un petit pays qui ne se laisse pas avaler par les gros. Il est en revanche cocasse de noter avec quelle sévérité ces gens de plume critiquent l'importance de l'argent dans notre société. Souhaitons que les abonnés, et ceux qui se donnent encore la peine de glisser quelques piécettes dans les caissettes, en tirent les conclusions qui s'imposent et développent désormais avec ce journal une collaboration plus visionnaire que financière.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 28 mai 2004)