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Sondages: la question à votre réponse n'existe pas

Les sondages d'opinions n'ont pas très bonne réputation. On les considère volontiers comme manipulés et manipulateurs, tendancieux au gré de ceux qui les commandent et qui les paient - ce qui est après tout bien normal. Le plus exaspérant vient évidemment de ce que les questions sont rarement posées comme on le souhaite et que les réponses que l'on veut donner ne figurent généralement pas dans les choix à disposition. Pourtant, on résiste difficilement à l'envie de donner son avis - en particulier lorsque l'on préjuge qu'il sera négatif. C'est la raison pour laquelle des personnes acceptent de jouer le jeu et de participer de temps en temps à des sondages, du moins à ceux réalisés par des instituts sérieux.

Imaginez donc qu'un tel institut vous propose de répondre - tranquillement de chez vous, sur internet, en une dizaine de minutes - à une série de questions portant sur les services de téléphonie mobile. C'est l'occasion d'exprimer enfin un avis définitif sur le sujet! Vous vous y mettez donc, et vous vous donnez la peine de vous creuser la tête pour savoir si telle ou telle affirmation publicitaire correspond mieux à tel ou tel opérateur (alors qu'ils se vantent généralement avec les mêmes arguments), s'il s'agit d'une affirmation originale ou banale (cochez à chaque fois la seconde case), et pour dire ce qui serait important à vos yeux si vous deviez choisir un nouvel opérateur (parmi une liste de services n'ayant pour la plupart aucun intérêt).

Autant de questions ayant trait au service à la clientèle, à son amabilité, à son efficacité, sauf que vous parvenez à la fin du sondage sans que l'on vous ait interrogé sur «le» critère déterminant et absolu susceptible d'orienter votre choix vers l'une ou l'autre de ces sociétés. Pas une seule fois, en effet, on ne vous a demandé si vous attachiez de l'importance... au fait qu'un opérateur de téléphonie s'adresse à vous en français plutôt qu'en anglais!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 11 juin 2004)