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Les journalistes au bord du trou

L'éboulement de la place Saint-Laurent à Lausanne est une mine inépuisable d'inspiration pour les journalistes, mais une mine diversement exploitée. Ainsi, alors que l'éditorialiste de la Vitamine orange évoque avec humilité la critique facile et l'art difficile, les paparazzis-justiciers de notre Quotidien rouge s'exercent chaque jour à leur sport favori, à savoir désigner à la vindicte populaire les coupables qu'ils ont choisis et exciter les revendications des riverains envers les services publics qui ne leur garantissent pas un confort ordinaire. Au moins, dans ce Canton, on sait qui est la presse de boulevard.

Reste à savoir si les responsables vont être sèchement remerciés... ou chaleureusement remerciés. Par exemple par telle grande surface qui a vu se réaliser - rapidement et sans aucune formalité administrative - son rêve d'une liaison directe avec le futur métro, et dont le rayon des vins a connu une publicité inespérée dans tous les médias du lieu... Plus sérieusement, commerçants et passants ont relevé avec beaucoup de satisfaction que le trou, s'il n'a pas englouti les escaliers de l'église, a au moins fait fuir la faune qui s'y vautrait depuis des années. Le spectacle des ouvriers en orange offre désormais à la place un air dynamique des plus réjouissants.

Pourtant, dans les heures qui ont suivi l'événement, quelques habitués des lieux erraient encore alentours en vociférant et en braillant... suscitant l'étonnement exaspéré de plusieurs techniciens de la Télévision suisse romande occupés à tirer des câbles et à porter du matériel: «Qu'est-ce qu'il y a comme zonards ici!» Il y a donc aussi de braves gens pleins de bon sens à la TSR: quel dommage qu'ils aient été engagés pour transporter des câbles plutôt que pour présenter le téléjournal!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 4 mars 2005)