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Non à la carte

Pour un droit à ne pas choisir

La technique et la modernité n'en finissent plus de nous promettre des horreurs. On apprend maintenant que notre bonne vieille télévision, avec ses journalistes tordus, ses films débiles et ses insupportables publicités, risque d'être bientôt remplacée par un système «à la carte». On veut nous permettre de choisir, parmi des milliers de titres disponibles, l'émission ou le film que nous souhaitons au moment où nous le souhaitons, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. On prétend que nous serons heureux parce que nous pourrons composer nous-même notre programme…

Mais nous ne voulons pas composer nous-même notre programme! Nous ne voulons pas, après une journée de travail, devoir encore réfléchir et choisir parmi des milliers de titres! Nous voulons juste nous asseoir dans notre canapé et voir «ce qu'il y a», regarder «le» programme, celui qui a été choisi pour nous par les responsables de chaque chaîne. Nous voulons pouvoir râler en découvrant qu'il n'y a rien d'intéressant, nous résigner à regarder pour la seconde fois une série policière française, nous contenter d'un film américain pas trop nul, parfois nous réjouir de tomber sur un excellent documentaire. Et pouvoir en parler le lendemain matin au bureau, avec des collègues qui auront vu le même programme!

Plutôt que de vouloir lutter contre l'individualisme en nous poussant dans des transports publics bondés de gens que nous ne voulons pas côtoyer, on ferait mieux de nous laisser nos programmes de télévision en commun, qui représentent «juste ce qu'il faut» de sociabilité puisqu'ils nous permettent de rester à la fois dans notre salon et en communion avec plein d'autres gens!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 17 mars 2006)