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Le printemps est de retour, le soleil brille, on ne pense plus aux petits oiseaux

En février, la grippe aviaire menaçait le monde. Elle était à nos portes, chaque jour un peu plus proche, nous encerclant inexorablement. Elle était arrivée d'Asie à une vitesse phénoménale. On la croyait encore en Mandchourie qu'elle était déjà au-dessus de l'Allemagne. Elle venait à peine de quitter l'Indonésie qu'on la signalait aux portes de l'Italie. Des alertes sanitaires retentissaient chaque fois que d'inquiétantes escadrilles d'oiseaux sauvages survolaient nos terres. Chaque nation, chaque région, chaque canton guettait la chute de «son» premier volatile terrassé par le désormais célèbre virus H5N1 – formule sinistre à souhait évoquant, dans l'imaginaire collectif, un mélange de bombe à hydrogène et de catastrophe nucléaire. Les journalistes interrogeaient les experts pour savoir si nous allions tous mourir dans d'atroces souffrances, ou plus exactement pour savoir dans combien de temps cela allait nous arriver. Notre fin était proche.

Un mois après, tout est fini. La télévision ne nous parle plus de grippe aviaire. Le virus semble s'être arrêté à nos portes. La maladie des volatiles s'est volatilisée. Le Tamiflu a sauvé le monde sans même qu'on doive le déballer. Le printemps est de retour, le soleil brille et l'on ne pense plus aux petits oiseaux. On ne s'intéresse plus à ces vilains merles venus voler et tuer dans notre pays. La présentatrice du téléjournal préfère nous entretenir du retour de Mme Dreifuss pour défendre les requérants d'asile, des succès électoraux de la gauche, des manifestations de rues en France. Autres pandémies que les médias auront oubliées d'ici quelques semaines, alors que leurs effets dévastateurs continueront à se faire sentir encore longtemps.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 14 avril 2006)