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Les chauffards roulent pour l’Etat

Où les intérêts du Département des finances entrent directement en conflit avec ceux du Département de la sécurité

Les délégués des organisations, des partis, des collectivités et autres mouvements divers qui ont siégé est à la Table ronde sur l'assainissement des finances vaudoises ne sont pas parvenus à assainir les finances vaudoises. Par peur de quelque chose de pire, il se sont cependant mis d'accord sur un catalogue de mesures, les unes permettant de dépenser moins, les autres de gagner plus.

Parmi ces dernières, on remarquera la proposition portant le numéro d'identification 5.089, «intensifier les contrôles de vitesse». Les données chiffrées de la Police cantonale indiquent que 1947 contrôles ont été réalisés en 1998, débouchant sur des recettes estimées à un peu plus de 6,1 millions. Le coût en équipement et en personnel atteignant un peu moins de 750'000 francs, le bénéfice de l'Etat a été d’environ 5,4 millions. L'idée est donc d'acheter une quatrième voiture-radar et d'engager le personnel nécessaire à son exploitation: cela coûtera 230'000 francs de plus par année mais rapportera 2 millions supplémentaires soit un gain de 1,77 millions.

Avec cent nouveaux radars, on aurait peut-être un budget équilibré…

Comme toutes les bonnes idées, celle-ci comporte des aspects négatifs: surcharge de travail pour les préfets et les juges, détérioration de l'image de la police et de ses relations avec les usagers. Un risque toutefois n'a pas été évoqué: les automobilistes véloces et déjà lourdement taxés pourraient refuser d'apporter leur obole au renflouement de la tirelire de l'Etat, et donc faire la grève du zèle, mettre leur accélérateur en berne, ou tout au moins lever le pied chaque fois qu'ils apercevront une VW Golf suspecte arrêtée sur le bord de la route. Ils deviendront alors de bons conducteurs, mais de mauvais citoyens. Presque aussi mauvais que les finances vaudoises, dont la qualité sera inversement proportionnelle à celle de la sécurité et de l'environnement!

(Le Coin du Ronchon, La Nation, 4 juin 1999)