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Deux roues peuvent en cacher quatre autres

Le 30 mai dernier, quelques rédacteurs réguliers ou occasionnels de La Nation se sont retrouvés au Chalet-à-Gobet, comme chaque année, pour une marche triomphale vers la capitale des Etats de Vaud. Sauf que, ce jour-là, l'autre capitale avait fomenté quelque mauvais coup: pour empêcher notre vaillante avant-garde de parquer ses voitures sur ses places habituelles, la ville avait organisé, précisément sur notre lieu de rendez-vous – ne parlez pas d'une coïncidence! –, une «Journée lausannoise du vélo».

Des vélos? Les quelques uns que nous avons aperçus sur le coup de 9 heures 30 ne nous ont pas beaucoup dérangés, pour une fois. Non, ce qui occupait toute la place – notre place – ce matin-là, c'était… des centaines et des centaines de voitures parquées en épi sur des centaines et des centaines de mètres sur toutes les routes des bois du Jorat.

La conclusion s'impose: de même que les marcheurs prennent leur voiture pour aller marcher, les aviateurs pour aller voler et les navigateurs pour aller faire du bateau, les cyclistes prennent aussi leur(s) voiture(s) pour aller faire du vélo. Quel rapport y a-t-il entre les deux? A vue de nez, environ dix à un. Comme si chaque cycliste était venu avec une dizaine de voitures.

N'allez pas penser que nous exagérons, ou que nous sommes de mauvaise foi. Pas plus tard que le lendemain, en effet, on apprenait que le secrétaire d'Etat américain John Kerry s'était cassé la figure à vélo en Haute-Savoie, et qu'il avait été aussitôt pris en charge par les équipes médicales et de sécurité qui se déplaçaient avec lui dans une colonne de limousines, ambulances et autres fourgons. La proportion de «quatre roues» par vélo devait donc, là aussi, largement atteindre dix pour un. Cette valeur a par conséquent tout d'un résultat scientifique.

Une chose est au moins sûre: lorsqu'il s'agira de voter sur la construction de nouveaux tronçons routiers ou autoroutiers, le puissant lobby cycliste constituera un appui appréciable.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2020, 12 juin 2015)

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