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Kanton Romandie

Quand on mène la vie tranquille d'un honnête notable de province dans une campagne ignorée de Suisse orientale, il arrive que l'on s'interroge sur le sens de l'existence, sur les traces que l'on pourrait laisser de son passage, et que l'on se dise: «Et si j'avais une idée? Une grande idée qui ferait parler de moi?» Et c'est alors que l'on découvre l'une ou l'autre vieille lune inlassablement rabâchée depuis vingt ans au sein des cénacles intello-médiatiques.

Par exemple – au hasard: redécouper la Suisse en quelques «grandes régions», «plus fortes», «plus rationnelles», «plus performantes», où l'on pourrait voter les lois plus vite et plus simplement.

C'est exactement ce qu'a proposé récemment M. Hans Peter Ruprecht, dont on nous dit qu'il est président du Conseil d'Etat thurgovien et membre de l'UDC – parti qui montre ainsi son côté peu fréquentable. Partant d'un simple projet d'annexion des cantons voisins, cet Attila régional, nous dit-on, verrait assez bien la création d'un Kanton Ostschweiz, d'un Kanton Zentralschweiz, d'un Kanton Nordostschweiz et d'un Kanton Romandie. Il est prêt à aller expliquer aux tribus indigènes que c'est pour leur bien. La carte d'état-major est dépliée, la moustache assurée, l'encéphalogramme au repos.

En ajoutant ainsi son nom à une sinistre cohorte de journalistes, politiciens, fonctionnaires et banquiers en mal de notabilité, M. Ruprecht a réussi son coup. Le Tages Anzeiger l'a interviewé. La Télévision Socialiste Romande l'a cité dans sa revue de presse. D'autres journalistes en mal d'inspiration ont ensuite suivi le mouvement. Même La Nation va lui octroyer une célébrité passagère. Profitez-en, Herr Regierungspräsident! Dès demain, plus personne ne parlera de vous et d'autres auront recyclé votre «idée».

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 22 juin 2007)