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Sol-air

La nécessité pour la Suisse de remplacer cinquante-quatre vieux avions militaires par vingt-deux autres plus modernes donne à nos antimilitaristes et autres altermilitaristes tout à la fois des boutons et des ailes – presque de quoi construire un chasseur-bombardier supplémentaire.

Nous n'allons pas nous lamenter cette fois sur le macrocosme paléontologique des anti-Gripen, sur les clichés niais et usés à propos de l'armée, sur les fausses vérités qui plaisent à ceux qui ont envie d'y croire, sur les armes de désinformation massive et sur les sottes railleries qui mettent les rieurs moyens du côté des gens peu sérieux. Nous gagnerons du temps et de la place en admettant qu'ils ont raison: l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural, vit aujourd'hui en paix; les frontières s'estompent; les rivalités territoriales s'évanouissent; les peuples se donnent la main.

Un argument tout de même a attiré notre attention. Sur une page internet où une brochette de personnalités de seconde zone déclament leur refus du nouvel avion, une certaine Mme Anne Mahrer, verte genevoise, exprime l'idée que les milliards prévus pour moderniser notre défense aérienne seraient plus utilement dépensés en panneaux solaires.

Mme Mahrer ne précise pas combien de dizaines de kilomètres carrés pourraient être recouverts de cellules photovoltaïques avec trois milliards de francs. Mais lorsqu'on voit la difficulté de faire accepter la construction – pourtant tout en hauteur – de quelques éoliennes, on doute du succès de l'opération. L'exiguïté du territoire suisse, qui oblige souvent nos pilotes de chasse à aller s'entraîner à l'étranger, imposerait sans doute aussi d'exporter les panneaux solaires destinés à remplacer nos Forces aériennes. Parler d'une dépense «plus utile» paraît dès lors hasardeux.

Mais Mme Mahrer a-t-elle raison d'opposer ainsi avions et panneaux solaires? Notre compatriote Bertrand Piccard n'a-t-il pas justement démontré que les deux sont parfaitement compatibles? Il suffirait alors que l'armée suisse achète, à la place des vingt-deux Saab Gripen, deux escadrilles d'avions «Solar Impulse» – dûment équipés de tout l'armement requis – et les écologistes seraient contents!

Autre avantage: l'avion solaire de M. Piccard, on le sait désormais, est capable de voler vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Cela ferait peut-être taire les moqueries – stupides et de mauvaise foi – relatives aux horaires d'activité de notre escadre de surveillance.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 7 mars 2014)