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Un fonds ferroviaire payé par les automobilistes mais utile aux cantons romands

FAIF, pour «Financement et aménagement de l'infrastructure ferroviaire»: nous devons nous prononcer le 9 février sur cet objet constitutionnel, qui vise à instaurer un fonds d'infrastructure pour les projets ferroviaires. Il tient lieu de contre-projet à une initiative populaire de l'association transports et environnement (ATE), initiative entre-temps retirée.

Sur le principe, un fonds d'infrastructure constitue un instrument utile, permettant de voir clairement et régulièrement d'où vient l'argent et où il va, en garantissant le financement de projets importants jusqu'à leur aboutissement. Le fonds en question devrait recevoir près de 5 milliards de francs par année.

En l'occurrence, les projets importants ne manquent pas et, pour une fois, ce sont les cantons romands qui en bénéficieront le plus substantiellement, en obtenant une bonne moitié de la première tranche budgétaire du projet FAIF. Parmi les éléments-clés de ce programme figure le développement des gares de Lausanne et de Genève, appelées à voir augmenter fortement le nombre des voyageurs; il est prévu d'y consacrer un volume d'investissement de deux milliards de francs.

Après les travaux gigantesques réalisés dans les alpes durant ces quinze dernières années, on peut vraiment se réjouir de cette réorientation des crédits vers le Plateau suisse et vers l'arc lémanique.

Le rêve lointain d'un parallélisme entre le rail et la route

L'idée d'un fonds ferroviaire est particulièrement pertinente si l'on y associe en parallèle la création d'un fonds routier. après de trop nombreuses années de guerre stérile entre la route et le rail, de «racket» de la première par le second, même la gauche et les écologistes commencent à réaliser que ces deux moyens de transports sont nécessaires et complémentaires, et qu'ils méritent tous deux un financement spécifique et approprié, alimenté par leurs usagers respectifs.

Premier problème, dont on se persuade qu'il n'est que provisoire: on nous demande de nous prononcer sur le fonds ferroviaire alors que le fonds routier n'existe pas encore. Ce dernier devrait très prochainement être mis en consultation, nous assure-t-on. On l'attend donc avec impatience, même si son financement promet de ne pas être indolore.

Le second problème, qui fait tousser beaucoup de monde avant la votation de février, c'est précisément le financement du FAIF. On est loin, très loin, d'un financement par les usagers du rail. Grace à un important effort de la caisse générale de la confédération, à hauteur de 2,4 milliards de francs par année, on évitera un pillage généralisé des taxes routières, comme l'aurait voulu l'ate avec son initiative; on perpétuera cependant le système actuel de subventionnement du rail par la route, via une partie des recettes de la taxe poids-lourds d'une part (700 millions), des taxes sur l'essence d'autre part (260 millions). On y ajoutera même des recettes fiscales supplémentaires (200 millions) prélevées auprès des contribuables qui font de longs trajets en voiture pour se rendre à leur travail: leurs frais de déplacement déductibles du revenu seront désormais plafonnés à 3000 francs pour l'impôt fédéral direct.

Préserver l'essentiel en attendant que les mentalités évoluent

Pour la petite histoire, le financement du FAIF réclame aussi un dixième de point de TVA, celui-là même que le peuple avait accepté il y a quelques années pour redresser l'assurance- invalidité jusqu'en 2017, et qui – comme on s'y attendait – se trouvera donc prolongé au-delà de cette date, cette fois au bénéfice d'une nouvelle cause.

Tout cela n'est vraiment pas satisfaisant. Il ne faut pourtant pas se leurrer: le contexte idéologique actuel, avec son exaltation inconditionnelle du transport public, ne permet guère d'espérer un financement mieux équilibré. Doit-on alors tout bloquer en attendant que les mentalités évoluent? Les projets évoqués dans l'arc lémanique sont utiles et nécessaires – l'extension des infrastructures ferroviaires est aussi un moyen indirect de désengorger les routes – et il faudra bien les payer d'une manière ou d'une autre.

Nous n'allons pas nous battre pour le FAIF. Mais nous n'allons pas non plus nous battre contre. Le mieux que nous puissions faire est de déposer dans l'urne un petit oui résigné.

(La Nation du 24 janvier 2014)

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