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Tendez la main à votre prochain

L'Université de Tucson, en Arizona, est la première du monde à avoir créé une chaire d'enseignement de «hip-hop». Nos médias sont évidemment tombés en pâmoison en nous révélant récemment cette grande nouvelle. «Je ne pensais pas que ça existait», lâche un «élève» goguenard. A vrai dire, nous non plus. Un «professeur», quant à lui, déplore: «Les gens ont de la peine à croire que c'est un sujet sérieux». Tiens, nous aussi!

On peut pourtant lire sur internet qu'il s'agit d'«un vrai cursus comme la sociologie ou l'art abstrait», ce qui situe en effet le sérieux de cet enseignement. «Alors qu'en France la tendance reste associée au milieu des voyous et des cancres à demi-analphabètes, les profs américains ont considéré que le hip-hop est un mouvement culturel à part entière qui influence toute la société.» Pour notre part, nous ne voyons là aucune opposition: il y a de nombreux exemples où des voyous et des demi-analphabètes réussissent à influencer toute la société.

A l'heure où les universités du monde entier, notées et comparées, luttent pour améliorer leur rating et pour faire parler d'elles, ces enseignements académiques novateurs nous lancent d'audacieux défis. N'oublions pas non plus que, selon les chiffres censurés par le Département vaudois de la formation, de la jeunesse et de la culture, il faudra prochainement trouver des débouchés universitaires pour 68% de chaque volée d'élèves. Que va-t-on leur proposer? Après les chaires de cinéma ou de sport, qui existent déjà, certaines de nos hautes écoles ouvriront peut-être des études consacrées à la culture du macramé, à l'histoire du confetti à travers les âges, ou à l'esprit d'ouverture dans l'operculophilie. Pour s'en tenir aux thèmes les plus «porteurs», on ne saurait trop conseiller à l'Ecole des hautes études commerciales de l'Université de Lausanne d'inviter quelques professeurs renommés de Transylvanie en vue de proposer, par exemple, un diplôme en mendicité. Une telle formation ne manquerait pas d'intéresser de nombreux étudiants, y compris parmi les ministres européens et les dirigeants de partis politiques.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 12 juillet 2013)