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Littérature. Manifestations. Pluie

Et c'est ainsi qu'Allah est grand.

Telle était la chute quasiment invariable – quel que soit le sujet traité et sans qu'on sache très bien la raison de cette fantaisie – des chroniques que le regretté Alexandre Vialatte publiait dans les années soixante. Le célèbre Auvergnat semble connaître aujourd'hui un regain de popularité auprès des jeunes gens qui, en Grande-Bretagne, en France, en Syrie aussi, poignardent, égorgent et dépècent en pleine rue des soldats et autres représentants des autorités, et concluent à chaque fois leur geste en citant la fameuse phrase. Les gouvernements britannique et français ayant affirmé haut et fort que les actes en question n'ont absolument aucun rapport avec l'islam, nous en déduisons qu'il s'agit d'une allusion purement littéraire; nous nous réjouissons de voir nos concitoyens «issus de la diversité» (expression signifiant qu'ils viennent tous du même continent) manifester un tel intérêt pour un écrivain de la France profonde.

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A propos de manifester et de France profonde, on ne peut s'empêcher d'évoquer ici la nouveauté que représentent les énormes rassemblements qui, au cours de ces derniers mois, ont envahi à plusieurs reprises les rues de Paris. Qui eût cru qu'il restât tant de gens «de droite» en France, que ceux-ci pussent défiler ensemble pour une même cause, et que certains d'entre eux en arrivassent même à se battre avec les forces de police? Les CRS français, qui n'avaient jamais affronté jusqu'ici que des soixante-huitards, des syndicalistes, des fonctionnaires, des casseurs anarchistes, ou encore les disciples de Vialatte évoqués plus haut, se trouvent désormais face à des militants de droite, voire à des casseurs de droite.

On pourrait bien sûr se gausser d'un éventuel jumelage entre la France et la Biélorussie, où les forces de police reçoivent les mêmes instructions pour mâter les opposants au régime; mais la comparaison s'arrêterait là, le président Lukachenko ayant publiquement déclaré qu'il «n'aimait pas» les gens que le président hollande souhaite marier.

Plus sérieusement, ces événements posent un cas de conscience lorsqu'on est «de droite» et que, consubstantiellement, on respecte l'ordre public et l'autorité de l'uniforme. Mais que faire quand les forces de l'ordre défendent un désordre public? Qu'aurait-on fait en Europe de l'Est en 1989, lorsque la rue se soulevait contre les régimes communistes? Il y a là des questions difficiles.

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Pendant ce temps, les Suisses se plaignent qu'il pleut et qu'il fait froid.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 31 mai 2013)