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Comme un coq en boîte

«Les chants du coq de Sant'Antonio, au Tessin, ne dérangeront plus les voisins. Le Tribunal administratif tessinois a décidé qu'il pourrait rester dans la commune à condition d'être enfermé la nuit dans une cage insonorisée. Le propriétaire du coq devra confiner l'animal entre 22 heures et 7 heures du matin. Les parois devront mesurer au minimum huit centimètres d'épaisseur et être isolées avec de la laine de verre. […]»

Cette édifiante dépêche de l'Agence télégraphique suisse – rigoureusement dépourvue de la moindre distance critique – nous rappelle que, tandis que nos villes étouffent sous la présence de trop nombreux écologistes, nos campagnes sont aujourd'hui colonisées par de douillets et acariâtres citadins, et que parmi eux figurent aussi des juges et des journalistes. Ces mêmes hurluberlus qui réclament le retour du lynx, du loup et de l'ours à proximité de leurs chalets de vacances ne supportent pas que le chant d'un coq ou le son d'une cloche vienne avancer quelque peu l'heure de leur réveil. Il faudra donc insonoriser tout ce qui caquette, piaille, meugle, bêle, hennit, brait, aboie, miaule, ulule, roucoule, coasse, bourdonne, glousse ou zinzinule. Enfermer ces gêneurs dans des armoires blindées. Les emballer pour qu'ils ne salissent pas et leur coller des catadioptres pour éviter les accidents. Dans un même élan de retour à la nature originelle, on veillera aussi à éloigner les paysans qui polluent la nappe phréatique et ne votent même pas à gauche, les vignerons responsables de tous les accidents de la route et les chasseurs qui risqueraient de tirer sur autre chose qu'un coq. «Les voisins» pourront alors dormir en paix et profiter du calme de la campagne, peuplée exclusivement de joggeurs, de trekkeurs, de cyclistes, de vélideltistes, de vélivolistes, de véliplanchistes et d'animaux sauvages.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 1841, 18 juillet 2008)