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De l'influence du prix de l'essence sur la survie des mammouths

Les mammouths, qui ont disparu il y a plus de trois mille cinq cents ans, ont été victimes à la fois du réchauffement progressif de la planète à la fin de la dernière glaciation et de la chasse menée par l'homme. Telle est la conclusion d'une récente étude espagnole, relatée il y a quelques semaines par une dépêche de l'Agence télégraphique suisse.

Cette soudaine découverte apparaît d'autant plus vraisemblable qu'elle correspond en tous points à ce que l'auteur de ces lignes a appris à l'école il y a bientôt trente ans. On aurait tort, pourtant, de persifler: autrefois, cette information n'évoquait rien d'autre que l'évolution normale du monde préhistorique vers la civilisation. Dans le contexte actuel, par contre, la fin tragique des mammouths nous renvoie aux préoccupations existentielles de notre société: destruction de la nature par l'homme, cruauté envers des animaux sans défense (si l'on ose dire…), intolérance face à des modes de vie alternatifs, méfaits de la mondialisation, mitage du territoire, non-respect des différences, et bien sûr le fameux réchauffement climatique – qui s'est peu manifesté ces dernières semaines, mais dont on sait qu'il est causé par les gaz d'échappement de nos voitures. Pour un peu, les écoliers qui apprennent cela aujourd'hui vont s'imaginer qu'un trafic automobile infernal recouvrait déjà notre planète il y a trois mille cinq cents ans.

Cet ancrage dans l'actualité n'a d'ailleurs pas échappé aux chercheurs, lesquels précisent que cette étude peut nous aider à comprendre les futurs impacts du changement climatique actuel sur la biodiversité. En d'autres termes, si nous continuons à chauffer nos appartements et à rouler avec nos voitures, nous n'aurons bientôt plus de mammouths et ce sera bien fait pour nous. Cette comparaison simpliste ne tient évidemment pas compte du prix de l'essence, qui était certainement beaucoup plus bas à l'époque. Pour autant, elle ne manquera sûrement pas d'inspirer quelques naturocrates cantonaux ou fédéraux qui tenteront de nous convaincre que nous vivrions plus heureux s'il faisait beaucoup plus froid et que des troupeaux de mammouths à poils laineux traînaient à longueur d'année dans nos rues enneigées.

Dès ce samedi et pour un mois, cette vision pourrait nous paraître idyllique.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 1838 du 6 juin 2008)