Tous mes articles

E

A l'ère de la globalisation de plus en plus rapide, un mot de douze lettres est déjà un long mot. Un mot «élitaire» que même les élèves issus des formations les plus «exigeantes» peinent à «s'approprier». Si l'on songe en outre que les économies d'énergie les plus infimes permettront, en s'accumulant, de sauver notre planète, on comprend aisément pourquoi l'on a décidé, il y a un certain nombre d'années déjà, de remplacer le mot «électronique» par son initiale: «e».

Admettons que cette même lettre pourrait aussi servir à abréger d'autres adjectifs (éléphantesque, épidermique, équidistant, éliminatoire, et peut-être quelques autres), d'où un risque de confusion. Mais l'usage veut – et l'on sait à quel point nous respectons les usages – que la lettre «e» soit utilisé aujourd'hui en préfixe pour désigner toutes les activités recourant aux réseaux informatiques. C'est ainsi qu'on a vu apparaître le E-commerce, les E-mails (pluriel: émaux), le E-learning, les E-livres (que les francophones appellent E-books pour se souvenir du x au pluriel), mais aussi la E-administration, le E-voting, les E-factures, les E-annuaires et les E-lephants lorsqu'ils se déplacent par internet (sauf si la connexion n'est pas très rapide, auquel cas on parlera plutôt d'E-lans).

L'utilisation d'internet, précisément, a ensuite amené une société informatique à se démarquer en remplaçant le «e» par un «i» et en créant le iMac (que certains ont pris pour un cyber-hamburger), le iBook, le iPhone, le iPad et autres iDeux néologismes. Certes, la logique de l'anglais veut que le «e» se prononce «i» et que le «i» se prononce «Aïe!» Mais pour le commun des mortels, c'est du pareil au même: ça fait moderne, ça fait cool et tout le monde veut en avoir un peu: l'E-tat, l'E-cole, les E-glises, et même la Nation avec son «E-Jomini».

Parfois, iEnatrop et c'est E-nervant. Mais les spécialistes prédisent la fin de cette mode pour bientôt, lorsque tout sera électronique et qu'il deviendra inutile de le préciser. Il faudra alors trouver un préfixe pour désigner ce qui est non électronique… «Non», c'est un beau préfixe, non?

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 28 janvier 2011)