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Malentendus et propos à peine voilés

Certains journaux se sont récemment émus de ce qu'un imam neuchâtelois parfaitement intégré et réputé «modéré» avait rédigé sur un site internet arabe un éloge des ceintures explosives. On se demande ce qu'il aurait écrit s'il avait été «extrémiste».

Or il apparaît qu'il s'agit là d'un mauvais procès intenté par des gens aussi malveillants qu'ignorants: l'intéressé a en effet assuré les journalistes que ses propos avaient été mal interprétés, sortis de leur contexte, extraits d'un poème en arabe dont les francophones ne pouvaient pas comprendre le sens véritable et que, de toute manière, plus personne aujourd'hui ne vient chercher des poux aux révolutionnaires français de 1789 pour leurs actes de barbarie et que lui-même avait donc bien le droit de prôner les mêmes horreurs. Voilà en substance ce que cet aimable imam a expliqué pour sa défense, et l'on voit par là qu'il s'agit d'un simple malentendu. D'un banal problème de communication.

Gageons qu'il en va certainement de même avec la nouvelle loi sur les médias votée par le Parlement hongrois et qui suscite aujourd'hui, sur tout le reste du continent, l'indignation bien pensante des oligarques eurocrates et des éditorialistes socialistes. Ladite loi prévoit, à ce qu'on nous dit, de sanctionner les médias diffusant des informations «non équilibrées» et les journalistes manquant d'«objectivité politique» – sans que ces notions soient clairement définies. On comprend aisément que l'exigence d'objectivité effraie certains confrères helvétiques. Mais est-on sûr d'avoir bien compris le sens de ce texte? Le hongrois est une langue si compliquée, avec ses successions incongrues de consonnes et ses trémas inclinables! De plus, chez nous, le code pénal ne définit pas non plus clairement les opinions qu'il réprime; on ne tolère pas qu'un éditeur soupçonné de ne pas être à gauche rachète un quotidien; on n'hésite pas à chercher querelle à une télévision locale démunie si elle reçoit quelque obole d'une association patronale. Pourquoi les Hongrois n'auraient-ils pas le droit de restreindre eux aussi la liberté de la presse?

Ces malentendus montrent que la compréhension entre les peuples n'est pas encore pour cette année; qu'il ne faut pas se fier aux apparences, ni tout prendre au premier degré; qu'il faut se méfier désormais des informations voilées.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 14 janvier 2011)