Il n'y a point de sottes gens
Micheline ne sera pas la locomotive du Conseil fédéral en 2011. Lors de son élection attendue à la présidence de l'exécutif, Mme Calmy-Rey a en effet réalisé, nous a-t-on dit, le plus mauvais résultat depuis 1919, en ne recueillant que 106 voix sur 189. Est-ce une raison pour en conclure, comme l'a fait l'éditorialiste sur lequel tous les suivants ont copié, qu'il faudrait chambouler de fond en comble le fonctionnement institutionnel du gouvernement?
Ainsi le veut la mode de notre époque. On ne dit plus d'un enfant qu'il est pomme, inattentif, bagarreur et qu'il trouble la classe; on préfère expliquer que la pédagogie employée n'est pas la bonne, que le règlement de l'école n'est pas adapté, que les enseignants n'ont pas su donner à l'élève sa juste place. De même, on n'ose plus annoncer qu'un directeur d'entreprise s'est planté, qu'il a pris de mauvaises décisions, qu'il a été imprudent, présomptueux, voire gaffeur; on déclarera plutôt que les structures managériales ne sont plus adaptées à l'évolution du marché, ou que les «tableaux de bords» économiques dont dispose la direction ne sont pas suffisamment développés. Toujours dans le même ordre d'idées, les accidents de la circulation ne sont pas dus à des conducteurs et conductrices inattentifs et maladroits, mais à des «facteurs accidentogènes» (la Poste a bon dos…), à des virages dangereux, à une mauvaise visibilité, voire à l'absence coupable d'un dispositif d'allumage automatique des phares, d'un appareil de régulation de la vitesse, d'un système de guidage de la trajectoire ou d'un quarante-troisième airbag.
Il n'y a donc aucune raison de penser que Calamity-Rey, dite Cruella, est responsable de son triste score: elle n'est que la victime d'institutions dépassées et de dysfonctionnements systémiques. La femme naît bonne, c'est la Confédération qui la corrompt. Et il n'y a point de sottes gens, il n'y a que de sots métiers. Dommage que Micheline n'en ait pas choisi un autre.
(Le Coin du Ronchon, La Nation du 31 décembre 2010)
Ainsi le veut la mode de notre époque. On ne dit plus d'un enfant qu'il est pomme, inattentif, bagarreur et qu'il trouble la classe; on préfère expliquer que la pédagogie employée n'est pas la bonne, que le règlement de l'école n'est pas adapté, que les enseignants n'ont pas su donner à l'élève sa juste place. De même, on n'ose plus annoncer qu'un directeur d'entreprise s'est planté, qu'il a pris de mauvaises décisions, qu'il a été imprudent, présomptueux, voire gaffeur; on déclarera plutôt que les structures managériales ne sont plus adaptées à l'évolution du marché, ou que les «tableaux de bords» économiques dont dispose la direction ne sont pas suffisamment développés. Toujours dans le même ordre d'idées, les accidents de la circulation ne sont pas dus à des conducteurs et conductrices inattentifs et maladroits, mais à des «facteurs accidentogènes» (la Poste a bon dos…), à des virages dangereux, à une mauvaise visibilité, voire à l'absence coupable d'un dispositif d'allumage automatique des phares, d'un appareil de régulation de la vitesse, d'un système de guidage de la trajectoire ou d'un quarante-troisième airbag.
Il n'y a donc aucune raison de penser que Calamity-Rey, dite Cruella, est responsable de son triste score: elle n'est que la victime d'institutions dépassées et de dysfonctionnements systémiques. La femme naît bonne, c'est la Confédération qui la corrompt. Et il n'y a point de sottes gens, il n'y a que de sots métiers. Dommage que Micheline n'en ait pas choisi un autre.
(Le Coin du Ronchon, La Nation du 31 décembre 2010)