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Pluralité et prodigalité

Lundi soir, le «19:30» de la TSR, qui dure normalement une vingtaine de minutes au total, a consacré quarante minutes à un seul des trois thèmes de votation de la veille – en y ajoutant généreusement quatre minutes pour l'actualité du reste du monde. Les journalistes de la télévision d'Etat ont ainsi eu tout loisir de faire leur travail c'est-à-dire d'exprimer leur consternation face au vote du peuple, d'alerter leurs confrères étrangers afin que des sanctions soient prises contre la Suisse, et d'accuser les instituts de sondage d'avoir mal apprécié la situation.

A la Radio suisse romande, c'était tout différent. L'auteur de ces lignes n'a pas vérifié, mais c'était certainement tout différent. C'était forcément tout différent puisque tout le monde affirme que la séparation entre la TSR et la RSR sert à préserver la «pluralité de l'information» et l'«indépendance éditoriale». Si tout le monde le dit, ce doit forcément être vrai.

Cette belle diversité, donc, est menacée par la prochaine création de Radio-Télévision Suisse (RTS), qui regroupera sous un toit commun ces deux entités aux sensibilités si différentes, mais permettra en revanche de faire des économies de l'ordre de six millions de francs. Est-ce assez cher payé pour restreindre l'extraordinaire variété des opinions entre les journalistes du boulevard Carl-Vogt et ceux de la Sallaz? Beaucoup répondront certainement: «Oh oui, largement!»

D'autant que, pensons-nous, si les médias de service public se mettent tout à coup à faire des économies, nous voilà donc, pour un moment au moins, à l'abri de leur rapacité…

C'est du moins ce que nous pensions avant d'apprendre que la SSR – qui chapeaute depuis longtemps déjà toutes les chaînes publiques – réclame maintenant une rallonge de 54 millions de francs par année dès 2011. Le fait de dépenser un peu moins d'argent n'empêche pas de vouloir en gagner beaucoup plus, y compris en le prélevant – par goût de la «pluralité» sans doute – chez ceux qui ont voté oui à l'initiative contre les minarets.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 4 décembre 2009)