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Celui dont on ne doit pas prononcer le nom

«Qui l'eût cru?», écrit un journaliste valaisan en relatant le prix de poésie récemment décerné à M. Oskar Freysinger par le Festival Rilke de Sierre. Qui eût cru, en effet, que le petit monde artistique romand se risquerait à braver les interdits en reconnaissant une quelconque qualité littéraire au politicien-vedette de l'UDC? Surtout après avoir dénié à ce dernier le droit d'adhérer à l'association des auteurs suisses…

L'explication est simple: le concours était anonyme, les noms et coordonnées des candidats étant dissimulés dans des enveloppes fermées. Le jury n'était donc pas en mesure d'apprécier les candidats selon le degré de leur «fréquentabilité» politique.

On ne peut s'empêcher de penser ici au curriculum vitae anonyme réclamé par certains dans le but d'éviter que des employeurs n'écartent des offres d'emploi sur le seul indice d'un nom suspect. Le «CV anonyme» est politiquement correct, évidemment, puisqu'il consacre le principe selon lequel un patron n'est pas un homme libre d'embaucher qui il veut, mais un salaud de riche sommé de procurer un revenu à quiconque le demande, sans discrimination.

Or l'affaire évoquée plus haut montre que l'anonymat peut aussi aller à l'encontre du politiquement correct en donnant leur chance à ceux qui ne le sont précisément pas. Imaginez un peu que les Chambres fédérales, chargées de repourvoir le poste de M. Couchepin, reçoivent une candidature mystérieusement signée «B.», sans moyen de savoir s'il s'agit de Broulis ou de Blocher!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 28 août 2009)