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2000 ans d'histoire fiscale

De Jésus-Christ à Picsou

Au début de notre ère, les percepteurs d'impôts se cachaient, honteux de leur sinistre métier, haïs de la population. Seul le Christ leur pardonnait en leur enjoignant toutefois de ne plus pécher. Deux mille ans plus tard, l'Eglise ne fait plus tant de miracles et les percepteurs d'impôts cherchent à se faire apprécier en envoyant des brochures sympas aux nouveaux contribuables.

Le but de l'opération est bien évidemment de convaincre les victimes de l'utilité civique de leurs contributions. On leur explique donc que leur argent servira à payer les transports publics (que les clients paieront ensuite à chaque utilisation), les routes (que les automobilistes paieront ensuite par mille et une taxes), les hôpitaux (pour lesquels les malades devront encore se ruiner et que les gens bien portant financeront par leur assurance-maladie) et surtout les écoles qui engloutissent l'essentiel des fonds récoltés par le fisc. Le contribuable logique se demande d'ailleurs pourquoi le montant de ses impôts ne diminue pas aussi rapidement que le niveau des connaissances scolaires des jeunes…

Mais justement, le nouveau contribuable visé par le bureau de relations publiques de l'Administration cantonale des impôts est un jeune. Un jeune de 18 ans auquel les auteurs de la brochure, considérant sans doute les lacunes scolaires actuelles, s'adressent parfois comme s'il en avait seulement le tiers. La nécessité de remplir sa déclaration? «Elémentaire, mon cher Picsou.» Les déductions? «Il ne faut quand même pas croire au Père Noël.» Le certificat de salaire? «Une pièce hyper-utile pour prouver qu'on n'est pas Rockfeller!» Quant aux arriérés d'impôts, «brrrrrrr…» (sic). Cool, le fisc!

Ajoutez à cela quelques sentences un rien moralisantes sur l'utilité de lire toute la documentation officielle, sur l'avantage de payer dans les délais, sur la tricherie entraînant «bien sûr» une pénalité «qui donne à réfléchir»… et vous obtenez un cocktail parfait pour ulcérer les jeunes qui ont horreur qu'on leur parle comme à des gamins, et qui débutent ainsi leur carrière de contribuables avec un solide ressentiment à l'égard des percepteurs d'impôts. En 2000 ans, rien n'a changé et notre jeunesse est toujours saine.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 25 août 2000)