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Demain: le XXe siècle!

Beaucoup de bruit pour un changement de millésime insignifiant

Il y eut bien quelques lettres de lecteurs, quelques protestations, quelques rappels historico-mathématiques. Mais rien n'y fit: on tança les rabat-joie, colporteurs des visions étriquées d'une science trop traditionnelle, et chacun recommença, qui dans les journaux, qui à la télévision, qui dans des discours ou des conférences, d'annoncer l'avènement du XXIe siècle et du 3e millénaire avec 366 jours d'avance. Soit par ignorance, soit par paresse intellectuelle, soit par appât du gain («dans douze mois on recommence une grande vente du millénaire» disent les commerçants).

Certains firent pourtant des efforts méritoires, mais maladroits. Banc Public, le magazine des Transports publics lausannois, annonça par exemple: «Un nouveau siècle commence. Le 21e. Le prochain millénaire, lui, ne deviendra effectif qu'une année plus tard.» A ce rythme, on imagine le décalage qu'il y aura dans quelques milliers d'années…

D'autres trouvèrent une formule heureuse pour désigner le cap de l'an 2000: un changement de millésime. Hélas, ils se le virent reprocher par de fougueux pourfendeurs d'hérésies qui n'avaient pas vu que l'expression, dans ce cas, était juste! (Millésime: chiffre des milliers dans une date).

Répétons-le donc une dernière fois: demain, vos ordinateurs seront peut-être tombés en panne, une compagnie d'illuminés sera peut-être partie rejoindre des intelligences supérieures, quelques centres villes auront probablement été dévastés par des fêtards, la station Mir sera peut-être enfin tombée dans le jardin de Paco Rabane et le bug de l'an 2000 aura peut-être provoqué la fin du monde, mais quoi qu'il en soit, nous serons assurément toujours dans le XXe siècle et dans le deuxième millénaire.

Une fois de plus, on aura fait beaucoup de bruit pour rien.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 31 décembre 1999)