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Le sort du Canton dans la nouvelle politique régionale de la Confédération

Il est pénible de renoncer aux subventions auxquelles on s'est habitué. Ce constat se vérifie encore une fois avec la mise en place de la nouvelle politique régionale de la Confédération, prévue pour 2008.

Trente ans de «loi Bonny»

Dans les années 1970, face à la crise horlogère, les Chambres fédérales ont adopté un arrêté en faveur des régions menacées économiquement, plus connu sous le nom d'«arrêté Bonny», qui s'est ensuite transformé en loi fédérale en faveur des zones économiques en redéploiement. Il s'agissait de contribuer à la diversification économique de certaines régions en aidant des entreprises à créer ou à réorienter des emplois, cela au moyen de cautionnements, de prises en charge partielle d'intérêts et d'allégements fiscaux.

Selon cette loi, toujours en vigueur, un allégement de l'impôt fédéral direct peut être accordé à certaines entreprises à condition que le fisc cantonal accorde un allégement de même proportion. La durée des allégements est limitée à dix ans.

Le catalogue des «zones en redéploiement» s'est élargi avec le temps. La liste actuellement en vigueur, établie en 2002 par le Département fédéral de l'économie, couvre un territoire où vit 27% de la population suisse. Dans le Canton de Vaud, plus de soixante communes sont citées dans les anciens districts d'Aigle, Aubonne, Avenches, Cossonay, Grandson, la Vallée, Lavaux, Morges, Moudon, Payerne, Rolle, Vevey, Echallens, Orbe, Oron et Yverdon. Parmi les autres cantons romands, une bonne partie du canton de Fribourg, ainsi que l'entier du Bas-Valais et des cantons du Jura et de Neuchâtel peuvent prétendre au titre de «zone en redéploiement».

Un nouveau système de sélection plus sévère

Dans le cadre de la nouvelle politique régionale de la Confédération, la loi en faveur des zones économiques en redéploiement est abrogée; le principe des allégements fiscaux au titre de la promotion économique est repris à l'article 12 de la nouvelle loi sur la politique régionale. Comme jusqu'à présent, l'aide vise les entreprises industrielles ou proches de l'industrie qui présentent des projets novateurs et à haute valeur ajoutée permettant de créer ou maintenir des emplois en les adaptant à de nouvelles exigences.

Si le principe ne change pas, il est en revanche prévu de choisir les régions bénéficiaires sur la base de critères plus sévères et plus précis. La sélection se fera en quatre étapes. Les trois premières permettront de repérer les régions qui accusent un développement économique inférieur à la moyenne (exclusion des centres économiques, exclusion des régions à conditions cadres favorables, puis détermination des régions structurellement faibles sur la base de dix critères). La quatrième étape désignera les régions répondant au but de l'encouragement, à savoir celles dotées de points forts dans l'industrie et les services aux entreprises.

Dans la procédure de consultation lancée cet été, le Département fédéral de l'économie a laissé le choix entre trois variantes: la minimale (couvrant 5,8% de la population suisse), la moyenne (10,1%) et la maximale (18,9%). L'administration fédérale affiche une préférence pour la variante moyenne.

Pour le Canton de Vaud, une seule zone – la Vallée de Joux – resterait en lice dans la variante maximale, aucune dans les deux autres variantes.

La question du niveau de compétence

Cette réduction drastique des zones bénéficiaires explique sans peine l'opposition du Canton au projet fédéral. Les régions qui ont intégré dans leur promotion économique la notion de «zone en redéploiement» et les aides qui s'y rapportent considèrent comme un affront qu'on veuille aujourd'hui les en exclure. La position vaudoise risque cependant de peu peser face à des cantons alémaniques qui ne se sont jamais beaucoup intéressés à cet instrument de politique régionale.

Malgré tout le respect que l'on peut avoir pour les efforts de promotion économique auxquels se livrent certaines régions, il faut admettre que le statut de «zone en redéploiement» doit forcément avoir un caractère limité dans le temps. De plus, le territoire actuellement «couvert» par la loi Bonny a pris des proportions manifestement exagérées en regard du but poursuivi. Il n'est donc pas choquant que l'on cherche à mieux cibler l'aide et à limiter les subventions aux seuls cas vraiment difficiles. En ce sens, le processus de sélection proposé n'est pas dénué de pertinence.

On retiendra néanmoins que la politique régionale est une activité où le pouvoir fédéral se révèle malhabile, niveleur, éloigné du terrain, et que cette compétence devrait donc rester en mains cantonales. Il suffirait en effet que les cantons puissent décider librement quelles entreprises peuvent bénéficier d'allégements fiscaux et à quelles conditions – ils le peuvent déjà aujourd'hui – et que la Confédération, dans son désir de bien faire, se contente d'appuyer les efforts cantonaux en accordant un allégement équivalent de l'impôt fédéral direct. Le recours à l'allégement fiscal pourrait ainsi être utilisé comme un instrument de politique régionale, mais aussi comme un outil de promotion économique en général, quelle que soit la zone concernée, et ce par un effort équivalent des fiscs cantonal et fédéral.

Précisons pour terminer que la revendication de ce double effort cantonal et fédéral découle de la situation actuelle – boiteuse et toujours provisoire – où l'imposition directe est abusivement partagée entre deux échelons de pouvoir. Il va de soi que la suppression de l'impôt fédéral direct simplifierait bien les choses.

(P.-G. Bieri, La Nation n° 1822, 26 octobre 2007)

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