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Chronique d'un dodu dodo doux d'aile

On a connu la mode des scoubidous, des bombes à eau, de la lambada, des tamagotchis, des furbys, des sudokus. Aujourd'hui, nous vivons à l'ère du Doodle.

Pour ceux qui auraient l'élégance de l'ignorer encore, Doodle est un site internet sur lequel vous pouvez créer un choix de dates pour un rendez-vous, ou de réponses pour un sondage, choix par rapport auquel chaque participant peut ensuite indiquer ses disponibilités ou ses préférences. A la fin, vous obtenez un tableau montrant clairement ce qui convient à toutes les personnes sollicitées, ou au maximum d'entre elles.

On chercherait en vain à formuler une critique objective, fondée et de bonne foi. Ce site est bien pratique, ingénieusement conçu, simple et rapide d'utilisation, il vous évite des kyrielles de téléphones et il fonctionne même en français.

Et pourtant… L'effet «mode» a quelque chose d'irritant. La Doodlemania agace. Trop de Doodle rassasie. Les Doodle dodus vous dégoûtent. Drôle de Doodle! A force de voir ce damné Doodle coloniser votre univers quotidien aussi massivement que les élections américaines, à force d'être doodelisé par des gens qui veulent vous prendre du temps et vous donner du travail, à force d'entendre votre chef – loin de vous l'idée de lui en faire grief! – déclarer à tout moment et d'un ton assuré: «Je vous prépare un Doodle», et à force de vous faire râper sur le poil lorsque vous proposez une rencontre en omettant d'utiliser le doué Doodle, vous finissez par avoir envie de râler – sans savoir au juste contre quoi et avec un zeste de mauvaise conscience puisque, vous aussi, vous utilisez Doodle.

Peut-être vous vient-il alors à l'esprit que nous pourrions vivre bien plus sereinement si Doodle était programmé pour répondre lui-même aux questions qui lui sont posées, sans nous demander continuellement notre avis. A quand un Doodle moins démocratique?

(La Nation du 7 novembre 2008)