Tous mes articles

Pour une suppression partielle du droit de recours des organisations écologistes

Un certain nombre d'organisations écologistes reconnues par la Confédération disposent aujourd'hui du droit de recourir contre des projets de construction ou d'aménagement qu'elles estiment contraire aux dispositions fédérales en matière de protection de la nature et du paysage. Plusieurs projets ont été ainsi bloqués ou fortement retardés. Des maîtres d'œuvre se sont parfois plaints d'avoir été soumis à des tentatives de chantage pour obtenir le retrait de tels recours.

Considérant que ce droit de recours représente un facteur de blocage inopportun, de même qu'un privilège indu accordé aux organisations concernées, le parti radical suisse a déposé une initiative intitulée «Droit de recours des organisations: Assez d'obstructionnisme – plus de croissance pour la Suisse!». Il est demandé d'atténuer la portée du droit de recours en précisant que les projets qui ont été approuvés par une votation populaire ou par le vote d'un organe législatif ne peuvent plus faire ensuite l'objet d'un recours de la part des organisations écologistes.

Les écologistes, comme on s'en doute, sont très fâchés contre cette initiative. Ils prédisent, en cas d'acceptation, la destruction de la faune, de la flore et des paysages. Ces prédictions catastrophistes semblent toutefois nettement exagérées dans un pays où la sensibilité écologiste est omniprésente et où les lois en matière d'aménagement et de protection de la nature sont extrêmement sévères.

Comme argument supplémentaire, les écologistes ajoutent qu'il est faux de vouloir sacraliser les décisions populaires, que celles-ci peuvent être corrompues par l'aveuglement, par l'appât du gain ou par des campagnes trompeuses. Sur ce point, ils ont raison; mais alors, logiquement, c'est tout notre système politique qu'il faudrait réviser, et pas uniquement ce qui touche à la protection de la nature et du paysage. De plus, on ne saurait reconnaître à quelques organisations écologistes une aptitude à exprimer l'intérêt général de la société à la place des autorités, voire contre ces dernières. Ces organisations défendent des intérêts particuliers qui ne sont en rien supérieurs aux autres, et notamment à ceux de l'économie privée. Ce n'est donc pas à elles qu'il appartient de synthétiser les divers points de vue – elles n'en ont ni la vocation ni les moyens – mais bien aux autorités politiques. En ce sens, ces organisations méritent d'être consultées au même titre que d'autres, mais elles n'ont pas à disposer seules d'un pouvoir de blocage.

Ces réflexions incitent à contester l'existence même d'un droit de recours des organisations écologistes, tandis que l'initiative qui nous est soumise n'en propose qu'une atténuation. Les promoteurs fréquemment visés par des recours misent d'ores et déjà sur d'autres réaménagements de la législation, dans le cadre de diverses interventions parlementaires. C'est assez dire qu'on ne ressent pas un enthousiasme délirant en faveur de cette initiative. Cela étant, dès lors qu'elle vise à corriger au moins partiellement une situation insatisfaisante et qu'elle ne pose aucun problème de principe – elle n'octroie pas de nouvelle compétence à la Confédération, par exemple! –, on ne voit pas de motif prépondérant de ne pas voter OUI.

(La Nation du 7 novembre 2008)

Tags:   La Nation