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Les trains, y'en a marre!

Les politiciens déraillent. Eloge des chefs de gare.

Comme tout le monde, et sans doute plus que la moyenne, j'ai passé une bonne partie de mon enfance à jouer aux trains électriques. Encore maintenant, je reste sensible au charme particulier de chaque modèle de locomotive, et ne monte jamais dans un wagon sans le choisir avec l'œil du connaisseur.

Cela dit, y'en a marre! Je ne veux plus entendre personne parler de trains si cela ne concerne pas strictement et étroitement le domaine ferroviaire! Cas le train est aujourd'hui devenu la seule référence, universelle et omniprésente, du monde politique et de ses dérivés médiatiques. Des guignols qui ne font même pas la différence entre une draisine et un voiture-restaurant, mais dont le subconscient et les discours sont peuplés de TGV historiques accélérant toujours plus vite et n'en finissant jamais de quitter depuis des années des quais de gare peuplés de gens désolés. Nous restons seuls sur le quai tandis que les feux rouges de la fin du convoi disparaissent à l'horizon. Nous avons manqué le train de l'histoire. Mais en nous dépêchant, nous arriverons encore à sauter sur la dernière plate-forme (du train qui disparaît à l'horizon!). C'est le dernier moment, nous devons nous dépêcher de monter dans le train en marche. C'est le train de l'histoire, le train de l'Europe, le train de la modernité, le train du XXIe siècle.

Psychopathie obsessionnelle. Ces gens-là doivent se réveiller chaque matin en s'imaginant qu'ils vont louper leur train. S'ils montaient réellement dedans, de temps en temps, il sauraient que, un, louper un TGV, ce n'est pas grave car on y est mal assis; deux, il est formellement interdit de monter dans un train en marche; et trois, les chefs de gare, dont le métier consiste à regarder partir les trains sans jamais monter dedans, ne s'en portent pas plus mal et entreront dans le XXIe siècle en même temps que tout le monde.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 8 mai 1998)