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Nous moins moi égale vous

Pour en finir avec un vieux mythe dont on accuse toujours les autres


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Prenez n'importe quel journal, grand quotidien ou feuille de chou, vous y lirez toujours, ici dans une lettre de lecteur, là dans un billet d'humeur, que les Suisses sont des gens peu amènes, peu accueillants, peu chaleureux, peu souriants, bref, de tristes cafards à face de carême qui contrastent fâcheusement avec les étrangers si gentils, si aimables, si exubérants, etc. C'est un lieu commun que l'on rencontre dans tous les lieux publics. Chacun le lit quelque part, puis le répète parce qu'il l'a lu, puis le relit ailleurs parce qu'il l'a répété et ainsi de suite jusqu'à ce que chacun y croie puisqu'il l'a lu partout.

Ce qui est amusant, c'est que le Confédéré qui dit «les Suisses sont…» n'imagine pas un seul instant qu'il puisse faire partie du lot. Il se contente d'observer une bande de curieux cobayes, évidemment sans aucun rapport avec lui-même. Il dit «nous» pour se donner la bonne conscience d'une pseudo autocritique, mais il est au fond très fier de ne pas ressembler à ses vilains petits congénères. «Nous sommes ainsi, vous devriez avoir honte!»

D'abord, c'est un vieux préjugé dont il faudra se débarrasser, si possible avant l'aube radieuse du XXIe siècle. En matière de tourisme, en tous cas, il y a autant d'endroits en Suisse où l'on est reçu à bras ouverts, que d'endroits à l'étranger où l'on jure – mais un peu tard – de ne plus remettre les pieds.

Ensuite, il faudra que les gens qui colportent ces histoires se décident: soit ils sont étrangers et alors on ne les retient pas (encore que la plupart des étrangers semblent apprécier notre accueil), soit ils sont Suisses, donc mal embouchés, et ils doivent alors commencer par se regarder eux-mêmes avant de donner des leçons de savoir-vivre.

Dans tous les cas, il faut qu'ils se taisent.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 25 octobre 1996)
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