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Et que fallait-il faire?

Lâches ou téméraires, l'essentiel est que nous soyons coupables!

La Conférence mondiale contre le racisme organisée par l'ONU en Afrique du Sud devait symboliser la dignité, la fraternité et la solidarité. Mais ces trois mots sont sans doute difficiles à traduire dans toutes les langues, et c'est finalement à une bagarre générale que nous avons assisté. Palestiniens, Israéliens, Africains, Indiens, Kurdes, Ouïgours, Roms, Pygmées, Tamouls, Aborigènes, Papous, sans oublier quelque 3000 organisations non gouvernementales, tous étaient venus défendre leurs intérêts en dénigrant ceux des autres, revendiquer des titres de victimes et des sous, ou au contraire justifier des politiques accusées de racisme.

Même nos journalistes ont dû admettre que l'amitié entre les peuples n'était plus ce qu'elle était. Furieux et frustrés de voir ainsi ridiculisés les dogmes auxquels ils croient - l'ONU et l'antiracisme -, ils ont alors reporté leur aigreur sur... la Suisse. Ben voyons!

En substance, les illuminés du Temps ont accusé la représentante de la Suisse, Madame Kaufmann, de ne pas s'être exprimée sur la question controversée de savoir si le sionisme est ou n'est pas une forme de racisme. «La Suisse reste muette», «la Suisse n'a rien à dire», «la Suisse a peur de prendre parti», «la Suisse peine à jouer un rôle sur la scène internationale», «son absence des grands cénacles la rend insignifiante». Gageons que si la Suisse avait pris fait et cause en faveur des Palestiniens - ou des Israéliens -, les mêmes illuminés nous seraient tombés dessus en nous reprochant notre mépris des Israéliens - ou des Palestiniens. L'essentiel est qu'on critique la Suisse.

Mais sans doute ces preux journaleux sont-ils prêts, eux, à morigéner les puissants de la Terre? Et à courir le risque, par exemple, de se ramasser un missile en pleine séance de rédaction? Ce serait le «Ground Zero» de l'intelligence politique.

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 21 septembre 2001)