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Le brevet pour l'au-delà

Quand la presse réclame «moins d'Etat»!

M. François Gross, journaliste, a exprimé dans le Temps du 10 septembre son indignation face au projet de la Fédération suisse des journalistes d'instaurer un brevet fédéral de journaliste. En un réquisitoire plein de verve, d'ironie et de colère contre les empiètements de l'administration fédérale - on aurait pu le croire sorti d'une ancienne édition de la Nation! -, il dénonce un «licol pour gens de presse» et envoie à la corbeille toute idée de réglementer la noble profession de journaliste, où chacun doit rester libre d'écrire ce qu'il veut. Qu'on se le dise une fois pour toutes: «la démocratie ne serait plus ce qu'elle devrait être dès que, d'une façon ou d'une autre, l'Etat se mêlerait de "donner des règles" et de "surveiller" le trafic sur les voies conduisant au journalisme.»

Etonnant. Les journalistes, d'habitude, veulent nous convaincre que l'Etat doit réglementer au maximum les activités humaines, les métiers, les relations sociales, l'enseignement... Les privés, selon eux, ne défendent que des intérêts privés, sectoriels, corporatistes, tandis que l'Etat représente le bien commun, l'ensemble de la communauté, la garantie de neutralité. A chaque accident ou défaillance, les pouvoirs publics sont sommés d'intervenir pour mettre enfin bon ordre dans des domaines épargnés jusque là par la réglementation. Comment expliquer alors que seule la presse devrait échapper à la sollicitude bienveillante de l'Etat?

Les journalistes croient au brevet pour l'au-delà. Pour l'au-delà de leur bureau. Vérité au-delà, erreur en deçà: pour eux, ils n'en veulent pas!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 5 octobre 2001)