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Il suffit de s'excuser!

Quand les gratte-papier se réconcilient avec les sans-papiers

Depuis le temps que les simples citoyens étaient embêtés et empêchés de travailler par les fonctionnaires qui défilent dans les rues... il fallait bien que ce fut une fois le contraire: le 15 juin de cette année, ce sont des citoyens de la rue qui ont défilé dans les bureaux des fonctionnaires, causant force chahut et les empêchant de travailler. La situation aurait pu être cocasse si la cause avait été bonne. Hélas, elle ne l'était pas: ces citoyens-là défendaient le droit des sans-papiers (traduisez: des immigrés clandestins) à outrepasser le droit applicable aux autres citoyens. Les manifestants étaient donc des gens de gauche (comme la plupart des manifestants) masqués (comme la plupart des gens de gauche) et accompagnés de journalistes (comme dans la plupart des manifestations de gauche) de gauche (comme la plupart des journalistes). L'affaire avait été complaisamment étalée dans la presse.

Cette fois-là, gratte-papier et sans-papiers n'avaient pas fait bon ménage: les fonction-naires s'étaient déclarés choqués et perturbés par cette intrusion dans leurs bureaux, et l'Etat, dans un sursaut d'existence et de respect du droit, avait porté plainte contre les militants du mouvement «En quatre ans on prend racine». Les honnêtes citoyens s'en étaient réjoui et avaient oublié l'affaire.

On apprend maintenant que «l'Etat» (mais qui?) a décidé de retirer sa plainte après que les manifestants ont exprimé par écrit leurs regrets aux fonctionnaires agressés. Les partisans de la non application du droit pour les immigrés clandestins ont donc obtenu que le droit ne soit pas non plus appliqué pour eux. Et cela aussi simplement que s'ils avaient écrit une lettre au Père Noël. «On est vraiment désolé, ou voulait pas vous embêter, on passait là par hasard avec nos masques et nos journalistes...»

En tournant cette farce en dérision, on pourrait conseiller à M. Ben Laden d'écrire au gouvernement américain pour exprimer ses regrets aux familles des victimes du 11 septembre. Mais plus sérieusement, pensez-y la prochaine fois que vous vous faites coller une contraven-tion ou une dénonciation pour excès de vitesse...

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 30 novembre 2001)