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Plus de moyens pour les moyens!

Performances scolaires: une histoire de sous

Moyens! En comparaison internationale, les élèves suisses sont moyens! La presse nous le révèle, citant une enquête de l'OCDE intitulée «PISA 2000». Avec 20% de jeunes qui savent à peine déchiffrer un texte ou sont carrément incapables d'en comprendre le sens, la Suisse arrive derrière le Japon, la Finlande ou encore la Nouvelle-Zélande. Même les Belges font mieux que nous! Nos éditorialistes préférés sont atterrés. Avec des accents de vieux Waldstätten, ils s'indignent du déshonneur national et pleurent un Sonderfall perdu. Vous rendez-vous compte, nous disent-ils, que les écoliers suisses ont maintenant des résultats comparables à ceux des pays qui nous entourent?

Après tant d'années où le macramé et les gommettes ont remplacé les livres et les livrets, on découvre donc que les élèves ne savent ni lire ni compter. Après avoir évincé la culture classique au profit de la culture physique, on s'aperçoit que les jeunes intellectuels sont de moins en moins nombreux. Et après tous les efforts pour socialiser les «enfants-citoyens» sur un modèle identique, on constate que ceux-ci ne parviennent pas à développer un jugement personnel. Mieux: cette étude - dont on nous dit qu'elle a coûté fort cher - prouve scientifiquement que les jeunes qui ne maîtrisent pas la langue parlée par les profs ont de la peine à comprendre les profs, que les fils et filles de familles riches ont plus de livres et de jouets que les autres, et d'une manière générale qu'il vaut mieux être intelligent, riche et bien portant que bête, pauvre et malade. PISA penche du côté où elle va tomber.

Et que faudrait-il faire? Donner de bons livres aux élèves? Les faire travailler? Réintroduire le vocabulaire, la dictée et les exercices? Enseigner la grammaire française au lieu de la géographie du Botswana? Non merci! Rétablir la discipline et l'autorité des maîtres? Faire respecter les règles et les règlements? Non merci, vous n'avez rien compris! Pour que les élèves moyens soient moins moyens, il ne faut pas des moyennes mais des moyens! Et comme ils sont très moyens, il faut donc plus de moyens! Ces moyens serviront à financer de nouvelles études prouvant que des moyens encore plus importants sont nécessaires.

Mais si les performances scolaires nécessitent autant d'argent, quel espoir reste-t-il aux enfants pauvres?

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 28 décembre 2001)