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Séismes: pas d’assurance fédérale

Pour donner suite à une motion votée par le Parlement en 2021, le Conseil fédéral a mis en consultation, au cours de ces trois derniers mois, un projet de modification constitutionnelle qui, d’une part, attribuerait à la Confédération une compétence générale en matière de protection des biens et des personnes contre les dommages causés par les tremblements de terre, et, d’autre part, obligerait les propriétaires d’immeubles à contribuer, en cas de tremblement de terre, à la couverture des dommages. La contribution exigible pourrait aller jusqu’à 0,7% de la valeur assurée; on estime qu’à ce niveau maximal elle générerait un montant d’environ 22 milliards de francs.

Ce projet peut paraître séduisant au premier abord. Le risque sismique n’est pas négligeable en Suisse, où l’on recense en moyenne entre 1000 et 1500 tremblements de terre par an, dont une vingtaine sont perceptibles par la population. Les premiers dommages sur les bâtiments peuvent apparaître à partir d’une magnitude de 5, qui survient à intervalles de 8 à 15 ans. En outre, le système proposé ne prévoit un prélèvement auprès des propriétaires qu’en cas de dommages et pas avant.

Il n’en reste pas moins que les risques sont assez différents, non seulement selon les types de bâtiments, mais aussi selon les cantons. Ces derniers sont aujourd’hui compétents pour édicter des mesures contre les dangers naturels; ils le font en développant des solutions variées et originales, et la majorité d’entre eux collaborent au travers des établissements cantonaux d’assurance. Est-il vraiment nécessaire de pousser une fois de plus à la centralisation, en transférant cette compétence à la bureaucratie fédérale?

L’autre circonstance qui interpelle, c’est que les assurances privées proposent déjà des solutions pour couvrir les risques de séisme. Elles ont acquis une certaine expérience dans ce domaine et disposent de mécanismes de réassurance. Les propriétaires qui le souhaitent ont donc la possibilité d’assurer leur immeuble contre de tels risques. A l’heure actuelle, en Suisse, environ 15% des bâtiments sont assurés contre les dommages causés par des séismes. Peut-être n’est-ce pas suffisant et il vaudrait alors la peine de pousser ce taux à la hausse en sensibilisant les propriétaires à leur responsabilité. Mais cela justifie-t-il qu’on mette en place un mécanisme étatique de financement parallèle aux assurances déjà actives dans ce domaine? En prévoyant une contribution de tous les propriétaires, y compris de ceux qui ont fait l’effort de s’assurer?

Il faut en outre considérer qu’à l’étranger le modèle de l’assurance privée constitue la norme, que les pays qui connaissent des risques sismiques particuliers misent sur des accords publics d’assurance ou de réassurance, et que le mécanisme proposé dans le projet mis en consultation n’existe aujourd’hui nulle part ailleurs. On peut en conclure que le besoin de nouvelles compétences fédérales dans ce domaine n’est pas avéré et que la demande du Parlement n’est pas fondée.

(L'Agefi, 22 mars 2024)

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