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L’avenir est radieux

Le temps que la population suisse consacre à regarder la télévision et à écouter la radio ne cesse de diminuer depuis plus d’une dizaine d’années et cette baisse constante s’est poursuivie l’année passée. C’est ce que nous avons pu lire au début du mois de juillet dans les comptes rendus des dernières statistiques fédérales. Qui a dit que la presse ne diffusait que de mauvaises nouvelles?

Le phénomène est encore plus marqué chez les jeunes entre 15 et 29 ans, qui «ne regardent quasi plus la TV ni n’écoutent la radio». Voilà qui permet de fonder quelques sérieux espoirs dans la jeunesse d’aujourd’hui. Et dans quelques années, si tout continue ainsi, même un montant de 200 francs apparaîtra beaucoup trop élevé pour la redevance radio-TV.

Les esprits chagrins diront que les jeunes ne désertent les médias traditionnels que pour mieux se retrouver sur les réseaux sociaux (là où, par ailleurs, la radio-télévision d’Etat est aussi présente). Ce n’est sans doute pas faux, mais le phénomène ne concerne pas que les jeunes. Un récent article de 24 heures nous le confirme, qui pointe du doigt les vieux atrabilaires qui colonisent de plus en plus souvent les réseaux sociaux et les sites internet d’information pour y répandre leurs commentaires bêtes et méchants: «Les boomers qui s’expriment – et, pour certains, dérapent – sur nos plateformes numériques sont nombreux.» (L’article tente de nous faire croire que la bêtise et la méchanceté ne se retrouvent que chez les racistes-homophobes-coronasceptiques et jamais chez les serviles zélotes des discours officiels; mais au-delà de ce prisme idéologique assez classique, la journaliste a raison de souligner que les vieux schnocks ne valent souvent pas mieux que les jeunes crétins.)

De toute façon, l’avenir des réseaux sociaux risque d’être encore plus bref que celui des médias audiovisuels. A la suite des dernières violences urbaines qui ont secoué la France, on a en effet pu lire que le gouvernement français «réfléchit à restreindre les réseaux sociaux en cas d’émeutes». Il s’agirait, assurent ses chargés de communication, de suspendre certaines fonctionnalités, mais en aucun cas, juré promis, de bloquer complètement l’accès aux réseaux sociaux. Nous avons déjà persiflé ici même sur les différences entre les bons dictateurs et les mauvais dictateurs; mais cette fois, on n’en est plus au stade du persiflage: tous les partis d’opposition se sont gaussés de la ressemblance avec la Corée du Nord et avec l’Iran (l’ordre public en moins). Pourtant, avec le temps, le gouvernement français finira par réaliser que, face à des situations insurrectionnelles, les mesures radicales que l’on reproche aux régimes autoritaires peuvent se révéler indispensables.

Cessons donc de râler pour tout et réjouissons-nous sereinement de l’avenir, en nous préparant au moment où la radio et la télévision seront tombées dans l’oubli, où les réseaux sociaux auront été verrouillés et où les jeunes, faute de mieux, se remettront à lire des livres.

(Le Coin du Ronchon, La Nation n° 2232, 28 juillet 2023)