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Défense du Français

Et critique de l'autocritique

Même chez les individus les plus hostiles à toute forme de sport de balle et de pieds, la défaite de la France lors de la coupe du monde de football semble avoir provoqué des délires d'exultation. A travers toute l'Europe, chacun s'est régalé de railleries sur les Français, leur égocentrisme obtus, leur vanité démesurée et leurs piètres prestations. Au point que certains ressortissants hexagonaux, confrontés à ces moqueries qu'ils aiment tant infliger aux autres, s'en sont émus et offusqués.

Il y a assurément beaucoup à dire et à rire sur les Français. Quand un de leurs sportifs arrive en vingtième position et qu'ils l'acclament comme le champion de la catégorie «Français». Quand ils feignent toujours d'ignorer où se trouve Alésia. Quand leurs soldats paradent sur les Champs-Elysées tandis que leurs politiciens défilent devant les juges. Quand on voit des CRS frapper des pompiers, des policiers se disputer avec des gendarmes. Quand ils menacent le monde de leur seul sous-marin à peu près en état de marche. Et quand, malgré tout, ils sont fiers d'être Français et que du donjon de leur autosatisfaction, ils jettent sur leurs voisins des regards aussi naïfs que condescendants. Quand ils imaginent Berne comme un village de chalets accrochés aux flancs du Cervin, rempli d'armaillis fabriquant du chocolat et des montres. Et aussi quand ils n'hésitent pas à s'approprier les spécialités qui pourraient flatter leur orgueil et leur palais: la choucroute vient de Strasbourg, le gruyère de Pontarlier, les frites de Lille, les spaghettis de Modane, la paella de Biarritz! Cela fait beaucoup de bien à nos voisins qu'on leur rappelle tout cela de temps en temps – en caricaturant et en forçant un peu le trait, d'accord.

Et pourtant… Nous qui sommes des champions de l'auto-dénigrement et de l'auto-flagellation, nous qui avons des écoles qui apprennent aux enfants à douter de leur pays, à le soupçonner, à le critiquer, des journalistes qui passent leur temps à se répandre en insinuations fielleuses sur «les Suisses», un Conseil fédéral qui aime se mettre à plat ventre en s'excusant, nous nous prenons parfois à envier ces foutus Français et leur saine vanité!

(Le Coin du Ronchon, La Nation du 12 juillet 2002)